Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/245

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déclara à une assemblée qu’il s’en alloit à Moret faire pêcher un grand étang qui demandoit sa présence. Je sentis et ne pus souffrir cette défection. Je m’écriai que c’étoit nous abandonner dans la plus importante crise, où sa présente seule étoit plus nécessaire que celle de tous les autres ensemble ; qu’il étoit inconcevable que la pêche d’un étang l’attirât à deux lieues de Fontainebleau dans des moments si pressants, où ses gens d’affaires, ou tout au plus la duchesse sa femme suffiroient de reste, et qu’à l’heure que je parlois, on en pêchoit quatre beaux à la Ferté-Vidame, à vingtquatre lieus de Paris, où ma mère ni moi n’avions jamais imaginé d’aller pour aucune pêche. M. de Chaulnes, M. de La Rochefoucauld, tout ce qui étoit à l’assemblée, ducs et conseils, lui firent les prières et les remontrances les plus pressantes : mais le parti étoit pris ; il nous amusa seulement de la promesse de revenir dès que quelques choses presseroient et qu’on le manderoit. Le cas arriva en moins de huit jours, où, sans le retour de M. de Rohan, toutes ses procédures contre l’avocat général tomboient. Un laquais de M. de La Trémoille lui fut dépêché toute la nuit, avec une lettre de son maître, tant pour lui que comme chargé de tous, et une de Riparfonds, qui lui expliquoit la nécessité pressante et indispensable du retour. Le courrier le fit éveiller : il lut les deux lettres, puis dit au laquais de faire ses excuses, mais que les affaires qu’il avoit à Moret ne lui permettoient pas de les quitter, et sans autre réponse, fit tirer son rideau, et se tourna de l’autre côté. À l’arrivée du courrier, Riparfonds fit une seconde, lettre à M. de Rohan de la dernière force pour l’engager à revenir ; elle fut signée de dix ou douze ducs qui se trouvèrent à l’assemblée et portée tout de suite par un autre courrier.

Je m’étois donné une violente entorse qui m’a voit empêché de me trouver aux deux assemblées d’où on avoit dépêché ces deux courriers, mais j’étois instruit de ce qui s’y