Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/284

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homme qu’il eût jamais vu. L’un et l’autre le surent, et en furent très-offensés. Il n’en fut pourtant autre chose ; mais le mélange des brocards sur chacun et du mépris extrême qu’il avoit acquis, le chassèrent à la fin pour mener une vie fort pitoyable.




CHAPITRE XIV.


Directeurs et inspecteurs en titre. — Horrible trahison qui conserve Barcelone à l’Espagne pour perdre M. de Noailles. — Établissement de la capitation. — Comte de Toulouse reçu au parlement et installé à la table de marbre par Harlay, premier président. — Procès de M. le prince de Conti contre Mme de Nemours pour les biens de Longueville. — Un bâtard obscur du dernier comte de Soissons, prince du sang, comblé de biens par Mme de Nemours. — Il prend le nom de prince de Neuchâtel, et épouse la fille de M. de Luxembourg.


Lors même de ce retour des armées, le roi créa huit directeurs généraux de ses troupes et deux inspecteurs sous chaque directeur. M. de Louvois, pour en être plus maître et anéantir l’autorité des colonels, avoit imaginé d’envoyer des officiers de son choix, sous le nom de celui du roi, voir les troupes par frontière et par district, et de leur donner tout crédit et toute confiance. Le roi, content que c’étoit la meilleure chose du monde pour son service, et encore piqué de n’avoir jamais pu tirer la charge de colonel général de la cavalerie des mains du comte d’Auvergne pour M. du Maine, voulut ajouter à ce que M. de Louvois avoit inventé, et s’en servir à des récompenses. Il donna douze mille livres d’appointements aux directeurs et une autorité fort étendue sur tout le détail des troupes de leur dépendance.