Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(1695) PAR MM. DE VENDOME 241

toute la chambre en émoi. Mme d’Armagnac et le maréchal de Villeroy coururent à la cheminée. Elle se hâta d’emmener MM. de Vendôme ; et le maréchal de Villeroy, Roquelaure, qui n’eut ni le courage de tirer raison d’un tel affront, ni le supplément de prendre prétexte du lieu pour en porter sa plainte au roi. Le pis fut que dès le lendemain d’une scène si publique, il se laissa raccommoder, et en particulier, avec MM. de Vendôme, par Mme d’Armagnac dans son cabinet. Pour y mettre le comble, la duchesse de Roquelaure alla partout disant qu’elle étoit bien fâchée de ce qui étoit arrivé, mais que voilà aussi ce que c’étoit que de s’attaquer à son mari : ce ne pouvoit être bêtise, et l’ignorance auroit été bien forte ; on ne comprend pas ce qu’elle put espérer d’un si ridicule propos. Quelque effronté que fût Roquelaure, il parut les premiers jours déconcerté, et bientôt après il se remit à ses bouffonneries ordinaires et se trouva partout impudemment avec MM. de Vendôme à Marly, à Choisy, et partout où cela se rencontroit, et n’évitoit pas même de leur parler quand cela se présentoit, à l’étonnement de tout le monde.

Un soir longtemps après, qu’il fit chez le roi plus de bruit et d’éclats de rire qu’à l’ordinaire et qu’on le remarquoit, je répondis froidement que la cause de tant de gaieté n’étoit pas difficile à deviner, puisque ce même soir MM. de Vendôme prenoient congé du roi pour retourner en Provence. Ce propos fut relevé, et je n’en fus point fâché, parce que je croyois n’avoir pas lieu d’aimer Roquelaure.

Deux événements étrangers se suivirent fort près à près. Le premier, la mort de la princesse d’Orange, à la fin de janvier, dans Londres ; la cour n’en eut aucune part, et le roi d’Angleterre pria le roi qu’on n’en prît point le deuil, qui fut même défendu à MM. de Bouillon, de Duras et à tous ceux qui étoient parents du prince d’Orange. On obéit et on se tut ; mais on trouva cette sorte de vengeance petite. On eut des espérances de changements en Angleterre, mais elles s’évanouirent incontinent, et le prince d’Orange y parut plus