Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/311

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finiment; je les avois vues d’un peu plus près pendant la campagne que j’avois faite dans son armée. L’estime et l’amour que lui portoit toute cette armée ; sa considération à la cour ; la magnificence avec laquelle il vivoit partout ; sa naissance fort distinguée ; ses grandes alliances et proches qui contrebalançoient celle qu’il s’étoit vu obligé de faire le premier de sa race ; un frère aîné très-considéré aussi ; la singularité unique des mêmes dignités, de la même charge, des mêmes établissements dans tous les deux ; surtout,l’union intime des deux frères et de toute cette grande et nombreuse famille ; et plus que tout encore la bonté et la vérité du maréchal de Lorges si rares à trouver et si effectives en lui, m’avoient donné un désir extrême de ce mariage, où je croyois avoir trouvé tout ce qui me manquoit pour me soutenir, acheminer, et pour vivre agréablement au milieu de tant de proches illustres, et dans une maison aimable.

Je trouvois encore dans la vertu sans reproche de la maréchale et dans le talent qu’elle avoit eu ; enfin de rapprocher M. de Louvois de son mari, et de le faire duc pour prix de cette réconciliation, tout ce que je me pouvois proposer pour la conduite d’une jeune femme que je voulois qui fût à la cour, et où sa mère étoit considérée et applaudie, par la manière polie, sage et noble avec laquelle elle savoit tenir une maison ouverte à la meilleure compagnie sans aucun mélange, en se conduisant avec tant de modestie, sans toutefois rien perdre de ce qui étoit de son mari, qu’elle avoit fait oublier ce qu’elle étoit née et à la famille du maréchal, et à la cour, et au monde où elle s’étoit acquis une estime parfaite et une considération personnelle. Elle ne vivoit d’ailleurs que pour son mari et pour les siens, qui avoit en elle une confiance entière, et vivoit avec elle et tous ses parents avec une amitié et une considération qui lui faisoient honneur. Ils n’avoient qu’un fils unique qu’ils aimoient éperdument et qui n’avoit que douze