Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/320

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de part à irriter toute l’Europe contre le roi, et à la liguer plus encore contre sa personne que contre son royaume.

Barbançon, premier maître d’hôtel de Monsieur, mourut aussi, si goûté du monde par le sel de ses chansons, et l’agrément et le naturel de son esprit.

Le roi, accoutumé à dominer dans sa famille autant pour le moins que sur ses courtisans et sur son peuple, et qui la vouloit toujours rassemblée sous ses yeux, n’avoit pas vu avec plaisir le don de Choisy à Monseigneur, et les voyages fréquents qu’il y faisoit avec le petit nombre de ceux qu’il nommoit à chacun pour l’y suivre. Cela faisoit une séparation de la cour, qui, à l’âge de son fils, ne se pouvoit éviter, dès que le présent de cette maison l’avoit fait naître, mais il voulut au moins le rapprocher de lui. Meudon, bien plus vaste et extrêmement superbe par les millions que M. de Louvois y avoit enfouis, lui parut propre pour cela. Il en proposa donc l’échange à Barbezieux, pour sa mère, qui l’avoit pris dans les biens pour cinq cent mille livres, et le chargea de lui en offrir quatre cent mille livres de plus avec Choisy en retour. Mme de Louvois, pour qui Meudon étoit trop grand et trop difficile à remplir, fut ravie de recevoir neuf cent mille livres avec une maison plus à sa portée et d’ailleurs fort agréable ; et le même jour que le roi témoigna désirer cet échange, il fut conclu. Le roi ne l’avoit pas fait sans avoir parlé à Monseigneur, pour qui ses moindres apparences de désir étoient des ordres. Mme de Louvois passa depuis les étés en bonne compagnie à Choisy, et Monseigneur n’en voltigea que de plus en plus de Versailles à Meudon, où, à l’imitation du roi, il fit beaucoup de choses dans la maison et dans les jardins, et combla les merveilles que les cardinaux de Meudon et de Lorraine et MM. Servien et de Louvois y avoient successivement ajoutées.