Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/319

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Peu de jours après, le roi, se promenant dans ses jardins à Versailles, dans son fauteuil à roues, me demanda fort attentivement l’état et l’âge de la famille de M. le maréchal de Lorges, et avec un détail qui me surprit, l’occupation de ses enfants, la figure des filles, si elles étoient aimées, et si aucune ne penchoit à être religieuse. Il se mit ensuite à plaisanter avec moi sur le mariage de M. de Lauzun, puis sur le mien ; il me dit, malgré cette gravité qui ne le quittoit jamais, qu’il avoit su du maréchal que je m’en étais bien acquitté, mais qu’il croyoit que la maréchale en savoit encore mieux des nouvelles.

À peine mon mariage étoit-il célébré que la marquise de Saint-Simon mourut à quatre-vingt-onze ans à Paris. Elle étoit tante paternelle du duc d’Uzès, veuve en premières noces de M. de Portes, chevalier de l’ordre, tué devant Privas, frère de la connétable de Montmorency, mère de Mme la princesse de Condé et du dernier duc de Montmorency, décapité à Toulouse. Elle en avoit eu la première femme de mon père et Mlle de Portes. Elle étoit veuve du frère aîné de mon père dont elle avoit eu les biens, et nous en avoit laissé les dettes, sans en avoir eu d’enfants. C’étoit une femme d’esprit, altière et méchante, qui n’avoit jamais pu pardonner à mon père de s’être remarié, et qui l’avoit, tant qu’elle avoit pu, séparé de son frère. Ce fut ainsi un deuil sans douleur. La duchesse d’Uzès, veuve du fils de son frère et fille unique du feu duc de Montausier, mourut en même temps.

La perte de deux hommes illustres fit plus de bruit que celle de ces deux grandes dames : [de] La Fontaine si connu par ses fables et ses contes, et toutefois si pesant en conversation, et de Mignard si illustre par son pinceau.

Il avoit une fille unique parfaitement belle. C’étoit sur elle qu’il travailloit le plus volontiers, et elle est répétée en plusieurs de ces magnifiques tableaux historiques qui ornent la grande galerie de Versailles et ses deux salons, et qui n’ont pas eu peu