Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mis, et tout cela se passoit avec un secret et un mystère qui donnoient un nouveau sel à ces faveurs.

Cambrai fut un coup de foudre pour tout ce petit troupeau. Ils voyoient l’archevêque de Paris menacer ruine ; c’étoit Paris qu’ils vouloient tous, et non Cambrai, qu’ils considérèrent avec mépris comme un diocèse de campagne dont la résidence, qui ne se pourroit éviter de temps en temps, les priveroit de leur pasteur. Paris l’auroit mis à la tête du clergé, et dans une place de confiance immédiate et durable qui auroit fait compter tout le monde avec lui, et qui l’eût porté, dans une situation à tout oser avec succès pour Mme Guyon et sa doctrine qui se tenoit encore dans le secret entre eux. Leur douleur fut donc profonde de ce que le reste du monde prit pour une fortune éclatante, et la comtesse de Guiche en fut outrée jusqu’à n’en pouvoir cacher ses larmes. Le nouveau prélat n’avoit pas négligé les prélats qui faisoient le plus de figure, qui de leur côté regardèrent comme une distinction d’être approchés de lui. Saint-Cyr, ce lieu si précieux et si peu accessible, fut le lieu destiné à son sacre, et M. de Meaux, le dictateur alors de l’épiscopat et de la doctrine, fut celui qui le sacra. Les enfants de France en furent spectateurs, Mme de Maintenon y assista avec sa petite et étroite cour intérieure, personne d’invité, et portes fermées à l’empressement de faire sa cour.

Il y avoit eu cet été une assemblée du clergé, et c’étoit la grande, comme il y en a une grande et petite de cinq ans en cinq ans, c’est-à-dire de quatre ou de deux députés par province. Le chancelier Boucherat, dès qu’il fut dans cette grande place, ferma sa porte aux carrosses des magistrats, puis des gens de condition sans titre, enfin des prélats. Jamais chancelier n’avoit imaginé cette distinction, et la nouveauté sembla d’autant plus étrange, que les princes du sang n’ont jamais fermé la porte de la cour à aucun carrosse. On cria, on se moqua, mais chacun eut affaire au chancelier, et comme en ce temps-ci rien ne décide plus