Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/383

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d’autres que pour lui ; leur union étoit moindre que médiocre. M. de Seignelay entre autres l’avoit fort aimée. Elle avoit toujours été recherchée dans ce qui l’étoit le plus à la cour, et dame du palais de la reine, recherchée elle-même dans tout ce qu’elle avoit et mangeoit avec un goût exquis et la délicatesse et la propreté la plus poussée. Elle étoit fille du frère cadet de M. de Blainville, premier gentilhomme de la chambre de Louis XIII, à la mort duquel sans enfants mon père eut sa charge. Sa viduité ne l’affligea pas ; elle ne sortoit point de la cour et n’avoit pas d’autre demeure. C’étoit en tout une femme d’excellente compagnie et extrêmement aimable, et qui fourmilloit d’amis et d’amies.

On perdit en même temps Mme de Miramion à soixante-six ans, dans le mois de mars, et ce fut une véritable [perte]. Elle s’appeloit Bonneau et son père le sieur de Rubelle, de fort riches bourgeois de Paris. Elle avoit épousé un autre [bourgeois] d’Orléans fort riche aussi, dont le père avoit obtenu des lettres patentes pour changer son sale et ridicule nom de Beauvit en celui de Beauharnois. Elle fut mariée et veuve la même année, en 1645, et demeura grosse d’une fille qu’elle maria à M. de Nesmond, qu’elle vit longtemps président à mortier à Paris, et qui n’eut point d’enfants. Mme de Miramion veuve, jeune, belle et riche, fut extrêmement recherchée de se marier sans y vouloir entendre. Bussy-Rabutin, si connu par son Histoire amoureuse des Gaules et par la profonde disgrâce qu’elle lui attira, et encore plus par la vanité de son esprit et la bassesse de son cœur quoique très-brave à la guerre, la vouloit épouser absolument, et, protégé par M. le Prince qui n’eut pas, dans les suites, lieu de se louer de lui, l’enleva et la conduisit dans un château. Tout en y arrivant elle prononça devant ce qu’il s’y trouva de gens un vœu de chasteté, puis dit à Bussy que c’étoit à lui à voir ce qu’il vouloit faire. Il se trouva étrangement déconcerté de cette action si forte et si publique, et ne songea plus qu’à mettre sa proie