Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/384

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en liberté et à tâcher d’accommoder son affaire. De ce moment Mme de Miramion se consacra entièrement à la piété et à toutes sortes de bonnes œuvres. C’étoit une femme d’un grand sens et d’une grande douceur, qui de sa tête et de sa bourse eut part à plusieurs établissements très-utiles dans Paris ; et elle donna la perfection à celui de la communauté de Sainte-Geneviève, sur le quai de la Tournelle, où elle se retira, et qu’elle conduisit avec grande édification, et qui est si utile à l’éducation de tant de jeunes filles et à la retraite de tant d’autres filles et veuves. Le roi eut toujours une grande considération pour elle, dont son humilité ne se servoit qu’avec grande réserve et pour le bien des autres, ainsi que de celle que lui témoignèrent toute sa vie les ministres, les supérieurs ecclésiastiques et les magistrats publics. Sa fille, dont la maison étoit contiguë à la sienne, se fit un titre d’en prendre soin après sa mort, et devenue veuve se fit dévote en titre d’office et d’orgueil, sans quitter le monde qu’autant qu’il fallut pour se relever sans s’ennuyer. Elle s’étoit ménagé les accès de sa mère de son vivant, et les sut bien cultiver après, surtout Mme de Maintenon dont elle se vantoit modestement. Ce fut la première femme de son état qui ait fait écrire sur sa porte hôtel de Nesmond. On en rit, on s’en scandalisa, mais l’écriteau demeura et est devenu l’exemple et le père de ceux qui de toute espèce ont peu à peu inondé Paris. C’étoit une créature suffisante, aigre, altière, en un mot une franche dévote, et dont le maintien la découvroit pleinement.

Mme de Sévigné, si aimable et de si excellente compagnie, mourut quelque temps après à Grignan chez sa fille, qui étoit son idole et qui le méritoit médiocrement. J’étois fort des amis du jeune marquis de Grignan, son petit-fils. Cette femme, par son aisance, ses grâces naturelles, la douceur de son esprit, en donnoit par sa conversation à qui n’en avoit pas, extrêmement bonne d’ailleurs, et savoit extrêmement de toutes choses sans vouloir jamais paraître savoir rien.