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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/413

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partit aussitôt, et sa faveur parut plus que jamais. Comme il ne se passoit rien en Flandre, et qu’il n’y avoit plus lieu de s’y attendre à rien, le roi manda aux maréchaux de Villeroy et de Boufflers de renvoyer les princes dès que le prince d’Orange auroit quitté l’armée, ce qui arriva peu de jours après.

Ce fut pendant le cours de cette maladie que la paix de Savoie devint publique et que le roi régla tout ce qui regardoit la princesse de Savoie et les deux otages jusqu’aux restitutions accomplies. M. de Savoie, qui n’ignoroit rien jusque des moindres choses des principales cours de l’Europe, compta que les ducs de Foix et de Choiseul ne l’embarrasseroient pas. Le premier n’avoit jamais songé qu’à son plaisir et à se divertir en bonne compagnie ; l’autre étoit accablé sous le poids de sa pauvreté et de sa mauvaise fortune, tous deux d’un esprit au-dessous du médiocre, et parfaitement ignorants de ce qui leur étoit dû, très-aisés à mener, à contenter, à amuser, tous deux sans rien qui tint à la cour et sans considération particulière, tous deux enfin de la plus haute naissance et tous deux chevaliers de l’ordre. C’étoit précisément tout l’assemblage que M. de Savoie cherchoit. Il voyoit qu’on vouloit ici lui plaire dans cette crise d’alliance ; il fit proposer au roi ces deux ducs, et le roi les nomma et leur donna à chacun douze mille livres pour leur équipage et mille écus par mois. Le comte de Brionne, chevalier de l’ordre et grand écuyer, en survivance de son père, fut nommé pour aller de la part du roi recevoir la princesse au Pont Beauvoisin, et Desgranges, un des premiers commis de Pontchartrain et maître des cérémonies, pour y aller aussi, et faire là sa charge et pendant le voyage de la princesse.

Sa maison fut plus longtemps à être déterminée. La cour étoit depuis longtemps sans reine et sans Dauphine. Toutes les dames d’une certaine portée d’état ou de faveur s’empressèrent et briguèrent, et beaucoup aux dépens les unes