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LETTRE DE SAINT-SIMON À L’ABBÉ DE RANCÉ.

temps quelques cahiers des Mémoires mêmes. Je me flatte donc, qu’au milieu de tous vos maux, de toutes les peines que vous cause ce changement heureux de votre grand et merveilleux monastère, vous aurez la charité d’examiner ce que je vous envoie, d’y penser devant Dieu, et de dicter ces avis, règles et salutaires conseils que j’ose vous demander, afin que, demeurant écrits, ils ne me passent point de la mémoire et que j’y puisse avoir toute ma vie recours. Je crois qu’il seroit inutile de vous demander des précautions sur le secret et sur le ton de voix dont on vous lira ces papiers pour qu’on ne puisse rien entendre hors de votre chambre : eux-mêmes vous en feront souvenir suffisamment. Il ne me reste plus rien à ajouter ici, sinon de vous demander pardon cent et cent fois de la distraction que cela vous causera de tant de saintes et d’admirables occupations dont vous vous nourrissez sans relâche, et de vous assurer que je suis, Monsieur, plus que personne au monde, pénétré de respect d’attachement et de reconnoissance pour vous, et à jamais votre très-humble et très-obéissant serviteur. »

« P. S. M. du Charmel ne sait point ce que c’est que ces papiers[1]. »




  1. On aura remarqué combien, dans cette lettre, qui porte la date de l’extrême fin du xviie siècle, le style est comme en entier du xvie, et non-seulement quelques mots, mais les tours et le ton général. Il semble que c’était, à ce point de départ, l’habitude naturelle de Saint-Simon dans la familiarité épistolaire, et quand la passion n’excitait pas son talent.