Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/470

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une source de production, de variété et d’agrément qui étonnoit. Avec sa gloire, elle se croyoit bien mariée par l’amitié qu’elle eut pour son mari. Elle l’étendit sur tout ce qui lui appartenoit, et elle étoit aussi glorieuse pour lui que pour elle ; elle en recevoit le réciproque et toutes sortes d’égards et de respects.

On ajouta bientôt après une nouvelle personne à la suite, mais intérieure, de Mme la duchesse de Chartres ; mais sans aller à Marly, ni paroître avec elle en public hors de son appartement, sinon en des voyages ou en des choses familières. Ce fut Mme de Jussac, qui avoit été sa gouvernante, et qui sut allier la plus constante confiance de Mme de Montespan avec l’estime de Mme de Maintenon. Elle s’appeloit Saint-Just, et avoit été longtemps auprès de la première femme de mon père, qui, par confiance, la donna à ma sœur, quand elle épousa le duc de Brissac. Les brouilleries domestiques, qui ne tardèrent pas, l’en détachèrent. Elle entra chez Mme de Montespan, qui, après, la mit auprès de Mlle de Blois, dont elle fut gouvernante jusqu’à son mariage avec M. le duc de Chartres. Son mari fut tué, écuyer de M. le duc du Maine, à la bataille de Fleurus, en 1690. C’étoit une grande femme, de bonne mine, et qui avoit été fort agréable, et toujours parfaitement vertueuse. Elle étoit douce, modeste, bonne, mais sage et avisée ; qui connoissoit fort le monde et les gens ; vraie et droite, polie, respectueuse, toujours en sa place ; et qui, avec la confiance et l’amitié intime de Mme la duchesse de Chartres et de Mme de Montespan, et depuis, avec assez de confiance de Mme de Maintenon, ne voyoit rien à l’aveugle, discernoit tout, et sut toujours se bien démêler, sans flatterie et sans fausseté, et sans rien perdre avec elles. Elle sut aussi s’attirer une vraie considération et des amis distingués à la cour, quand elle y fut mise, et toujours sans sortir de son état, ni oublier avec nous ce qu’elle y avoit été. Il est très-singulier qu’avec très-peu de bien, elle maria ses deux filles à deux frères,