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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/492

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aux Noailles dans les écritures du procès qu’un Noailles avoit été domestique d’un vicomte de Turenne de leur maison. C’étoit avec un dépit extrême qu’ils voyoient briller les Noailles dans la splendeur des dignités, des charges, des emplois et du crédit, et ce fut avec rage que le cardinal de Bouillon vit arriver M. de Châlons à l’archevêché de Paris, où il avoit taché inutilement d’atteindre autrefois, et devenir incessamment son confrère par le cardinalat. Les mêmes Bouillon n’étoient pas moins ennemis des Tellier. M. de Louvois, brouillé à l’excès avec M. de Turenne, et diverses fois humilié sous son poids, l’avoit rendu depuis à toute sa famille, et jusqu’à MM. de Duras ses neveux, et l’inimitié s’étoit perpétuée. M. de Reims, dans ce grand siège, étoit d’autant plus odieux au cardinal de Bouillon qu’il n’avoit pu affaiblir son crédit et sa considération. Le savoir éminent de M. de Meaux, l’autorité qu’il lui avoit acquise sur tout le clergé et dans toutes les écoles, ses privances avec le roi, sa considération, son estime et sa réputation au dedans et au dehors, tout cela piquoit l’émulation et l’orgueil du cardinal, et lui donnoit un désir extrême de lui voir tomber une flétrissure ; enfin le crédit que M. de Chartres commençoit à prendre sur le roi à la faveur de cette affaire, porté par son intimité avec Mme de Maintenon, étoit insupportable à un homme qui vouloit tout, et qui, dédaignant de regarder cet évêque que comme un cuistre violet, se trouvoit néanmoins obligé à des égards et à des ménagements qui l’outroient. Toutes ces choses ensemble étoient plus qu’il n’en falloit pour enflammer le cardinal de Bouillon, et pour lui faire entreprendre et porter la cause de M. de Cambrai autant et plus que la sienne propre. Je me suis étendu sur ces motifs parce que sans cette connoissance on n’en pourroit comprendre les suites.

M. de Cambrai ne put soutenir en face le triste succès de son livre, qui ne trouva de louanges que dans le Journal des savants qu’un calviniste faisoit en Hollande. Il partit pour