Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/504

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vit personne, et partit le lendemain pour Troyes, où il tint très exactement tout ce qu’il s’étoit proposé, sans vouloir voir qui que ce soit que son neveu et ses prêtres, encore pour affaires, et sans écrire ni avoir aucun commerce avec personne, entièrement consacré à la prière et à la pénitence, et à une entière solitude.

J’ai parlé plus haut de la querelle de M. de La Rochefoucauld et de M. d’Orléans sur une place derrière le roi au sermon. J’en ai abrégé les procédés : il faut dire que M. le Prince, M. le maréchal de Lorges ni les autres amis communs n’ayant pu venir à bout de les réconcilier, le prélat, après avoir fait un grand bruit inutile, s’en étoit allé à Orléans bouder. À la fin il fallut bien revenir faire sa charge, et ses amis et ses frères l’en pressoient depuis quelque temps, dans l’espérance que ce retour opéreroit un changement favorable dans son affaire. Son arrivée renouvela le bruit et les plaintes. Il se jeta aux pieds du roi avec peu de bienséance et moins de dignité, protestant qu’il aimeroit mieux être mort que voir dégrader sa charge, après l’avoir exercée trente-quatre ans. M. de La Rochefoucauld supplia le roi de trouver bon qu’il ne prit point la place qu’il lui avoit accordée, et qu’il avoit ignoré être prétendue par le premier aumônier lorsqu’il accepta, dont il préféroit le retour de leur ancienne amitié à une place dont il s’étoit bien passé toute sa vie. Le roi, qui n’aimoit pas à changer ses décisions, beaucoup moins à les voir blâmées, non seulement tint ferme, mais il ajouta qu’après ce qu’il avoit réglé, c’étoit son affaire à lui, et non plus celle de M. de La Rochefoucauld ; que le premier aumônier n’avoit point de place au sermon ni nulle part derrière lui ; qu’il se souvenoit très-bien d’avoir toujours vu M. de Meaux, oncle et prédécesseur de M. d’Orléans, qui avoit eu sa charge, ou debout auprès de lui, ou assis sur le banc des aumôniers ; et finit par ces dures paroles, qui lui étoient si rares, « que si la chose étoit à décider entre M. d’Orléans et un laquais, il donneroit la