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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/505

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place au laquais plutôt qu’à lui. » M. de La Rochefoucauld n’eut plus qu’à se taire. M. d’Orléans entra dans le cabinet, à qui le roi parla tout aussi durement ; je l’en vis sortir l’air outré de douleur.

Ni lui ni ses parents ne la continrent pas, et il s’en retourna sur-le-champ à Orléans, où il auroit mieux fait de demeurer que de venir presque à coup sûr essuyer une mortification si amère pour une place qui ne lui avoit jamais appartenu, et devant connoître le roi assez pour ne pas douter qu’après l’engagement qu’il avoit pris de donner la place, c’étoit s’exposer très inutilement que se hasarder à entreprendre de le faire changer.

Mais, pour ne plus revenir à cette tracasserie, je dirai tout de suite comment elle finit. Le roi au fond estimoit et aimoit M. d’Orléans, et le montra bien par la façon si obligeante dont il lui donna sa nomination au cardinalat, et par la considération qu’il lui avoit toujours constamment témoignée jusqu’à cette prétention de place au sermon. Il étoit donc peiné du cuisant déplaisir qu’il lui avoit fait, et il l’étoit encore de l’irréconciliable division que cela avoit mis entre deux hommes si principaux, si anciennement amis, et si continuellement autour de lui par leurs charges. La vacance du riche et magnifique siège de Metz parut au roi un moyen d’apaiser M. d’Orléans, et de finir la discorde. Il y nomma l’abbé de Coislin, sans que ni lui ni aucun de sa famille eût osé y songer. La surprise fût extrême ; ils se croyoient tous bien éloignés des grâces, et l’abbé de Coislin encore plus éloigné d’aucun évêché.

C’étoit un petit homme court et gros, singulier au dernier point, d’une figure comique et de propos à l’avenant, et souvent fort indiscrets, mêlé pourtant avec la meilleure compagnie de la cour, qu’il divertissoit en se divertissant le premier ; avec cela dangereux et malin, et un fort médiocre prêtre. Il se l’étoit fait par raison, malgré son père, qui étoit pauvre et qui, voyant son aîné sans enfants, vouloit marier celui-ci. L’aîné étoit impuissant, celui-ci en étoit fort soupçonné,