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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/53

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xlix
INTRODUCTION.

ture nous en apprend, c’est se jeter dans les ténèbres palpables d’Égypte. Du côté de la religion, on renonce à savoir ce que c’est que tradition, et y renoncer n’implique-t-il pas blasphème ? c’est ignorer les dogmes et la discipline, en ignorant les conciles œcuméniques qui ont défini les dogmes et établi la discipline, et mettre sur la même ligne les saints défenseurs de la foi, les uns par leur lumière et leurs travaux, les autres par leur courage et leur martyre, et les hérésiarques et les persécuteurs. C’est se priver de l’admirable spectacle des premiers siècles de l’Église, et l’édification de ses colonnes, de l’instruction de ses premiers docteurs, de la sainte horreur de la première vie ascétique et solitaire, de la merveille de cette économie qui a établi, étendu et fait triompher l’Église au milieu des contradictions et des persécutions de toutes les sortes, de peur de voir en même temps la scélératesse, la cruauté et les crimes des hérésiarques et de leurs principaux appuis, l’ambition, les vices et les barbaries des évêques, et de ceux des plus grands sièges, et de là jusqu’à nous, ce qui s’est passé de mémorable dans l’Église pour le dogme, sur les dernières hérésies, sur la discipline et le culte, et de peur de voir le désordre et l’ignorance, l’avarice et l’ambition de tant et tant des plus principaux membres du clergé. Ce qui résulteroit de cette ignorance est plus aisé à penser qu’à représenter. Tout en est palpable, et saute de soi-même aux yeux.

Si donc il ne paroît pas sensé de ne vouloir pas être instruit de ces choses qui intéressent si fort un chrétien comme chrétien, comment le pourra-t-on être indépendamment de l’histoire profane, qui a une liaison si intime et si nécessaire avec celle de l’Église qu’elles ne peuvent pour être entendues être séparées l’une de l’autre ? C’est un mélange et un enchaînement qui, pour une cause ou pour une autre, se perpétue de siècle en siècle jusqu’au nôtre, et qui rend impossible la connoissance d’aucune partie de l’une, sans acquérir en même temps celle de l’autre qui lui répond