Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/54

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INTRODUCTION.

pour le temps. Si donc un chrétien, à qui tout ce qui appartient à la religion est cher à proportion de son attachement pour elle, ne peut être indifférent sur les divers événements qui ont agité l’Église dans tous les temps, il ne peut aussi éviter de s’instruire en parallèle de toute l’histoire profane, qui y a un si indispensable et un si continuel rapport.

Mais mettant même à part ce rapport, puisqu’en effet il se trouve de longs morceaux d’histoire qui n’en ont point avec celle de l’Église, pourroit-on sans honte se faire un scrupule de savoir ce qu’a été la Grèce, ce qu’ont été les Romains, l’histoire de ces fameuses républiques et de leurs personnages principaux ? Oseroit-on ignorer par scrupule les divers degrés de leurs changements, de leur décadence, de leur chute, ceux de l’élévation des États qui se sont formés de leurs débris, l’origine et la fondation des monarchies de notre Europe, et de celle des Sarrasins, puis des Turcs, enfin la succession des siècles et des règnes, et leurs événements principaux jusqu’à nous ? Voilà en gros pour l’histoire générale. Venons maintenant à ce qui regarde celle du temps et du pays où l’on vit.

Si l’on convient que le scrupule qui retiendroit dans l’entière ignorance de l’histoire générale seroit la plus grossière ineptie, et qui jetteroit dans les inconvénients les plus honteux et les plus lourds, il sera difficile de se persuader qu’aucun scrupule doive ou puisse admettre l’ignorance de l’histoire particulière du temps et du pays où on vit, qui est bien plus intéressante que la générale, et qui touche bien autrement l’instruction de notre conduite et de nos mœurs.

J’entends le scrupuleux répondre que l’éloignement des temps et des lieux affranchit la charité en quelque sorte sur les vices de personnages étrangers, reculés, dont on ne connoît ni les personnes ni les races, et à qui il n’est plus d’hommes qui puissent prendre quelque part ; bien différents de ceux de notre pays et de notre âge que nous connoissons tous par leurs noms, par leur conduite, par leurs