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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/9

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v
INTRODUCTION.

volée d’historiens inattendus elle a enfantés parmi ses propres acteurs, en tête desquels Retz se détache et brille entre tous comme le plus grand peintre avant Saint-Simon ! Mais cette génération d’auteurs de Mémoires, issus de la Fronde, s’arrête à peu près au seuil du règne véritable de Louis XIV. À partir de là on n’a que des esquisses rapides, inachevées, qu’ont tracées des plumes élégantes et fines, mais un peu paresseuses, Choisy, Mme de La Fayette, La Fare, Mme de Caylus. Ils mettent en goût, et ils ne tiennent pas ; ils commencent, et ils vous laissent en chemin. Or, il n’y a rien qui fasse moins défaut et qui vous laisse moins, il n’y a rien de moins paresseux et qui se décourage moins vite que Saint-Simon. Il s’adonne à l’histoire au sortir de l’enfance comme à un travail, comme à une mission. Ce n’est pas au courant de la plume qu’il s’amuse à se ressouvenir de loin et en vieillissant, comme fait Retz ; méthode toujours scabreuse, source inévitable de confusions et de méprises. Il amasse jour par jour, il écrit chaque soir ; il commence dès dix-neuf ans sous la tente, et il continue sans relâche à Versailles et partout. Il s’informe sans cesse comme un Hérodote. Sur les généalogies il en remontrerait au Père Anselme. Il raisonne du passé comme un Boulainvilliers. Dans le présent il est à tout, il a vent de toutes les pistes, et en tient registre incontinent. Toutes les heures qu’il peut dérober, il les emploie ; et puis vieux, retiré dans sa terre, il coordonne cette masse de matériaux, il la met en corps de récit, en un corps unique et continu, se bornant à la distribuer par paragraphes distincts, avec des titres en marge[1] ; et ce long texte immense, il le recopie tout

  1. Saint-Simon, dans le texte original, n’établit point de chapitres proprement dits ni aucune division ; il était d’une haleine infatigable on a bien été obligé, en imprimant, de faire des chapitres de longueur à peu près égale pour soulager l’attention du lecteur ; mais on a eu soin, dans la présente édition, de ne composer les sommaires qu’avec les termes mis en marge par Saint-Simon, et on a reproduit, autant qu’on l’a pu, ces mêmes termes de la marge au haut des pages dans le titre courant.