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MARIAGE DU DUC DU MAINE.

extrêmement petites ; la première étoit belle et pleine d’esprit et de raison. L’incroyable contrainte, pour ne rien dire de pis, où l’humeur de M. le Prince tenoit tout ce qui étoit réduit sous son joug, donna un extrême crève-cœur à cette aînée. Elle sut le supporter avec constance, avec sagesse, avec hauteur, et se fit admirer dans toute sa conduite. Mais elle le paya chèrement : cet effort lui renversa la santé, qui fut toujours depuis languissante.

Le roi, d’accord du choix avec M. le Prince, alla à Versailles faire la demande à Mme la Princesse dans son appartement ; et peu après, sur la fin du carême, les fiançailles se firent dans le cabinet du roi. Ensuite le roi et toute la cour fut à Trianon, où il y eut appartement et un grand souper pour quatre-vingts dames en cinq tables, tenues chacune par le roi, Monseigneur, Monsieur, Madame, et la nouvelle duchesse de Chartres. Le lendemain, mercredi 19 mars, le mariage fut célébré à la messe du roi par le cardinal de Bouillon, comme l’avoit été celui de M. le duc de Chartres. Le dîner fut de même et le souper aussi ; après, l’appartement. Le roi d’Angleterre donna la chemise à M. du Maine. Mme de Montespan ne parut à rien et ne signa point à ces deux contrats de mariage. Le lendemain, la mariée reçut toute la cour sur son lit, la princesse d’Harcourt faisant les honneurs, choisie pour cela par le roi. Mme de Saint-Vallery fut dame d’honneur, et Montchevreuil, qui avoit été gouverneur de M. du Maine, et qui conduisoit toute sa maison, continua dans cette dernière fonction et demeura gentilhomme de sa chambre.

Mme de Saint-Vallery étoit fille de Montlouet, premier écuyer de la grande écurie, petit-fils cadet de Bullion, surintendant des finances, et elle étoit veuve depuis un an d’un fils cadet de Gamaches, chevalier de l’ordre en 1661, sans enfants, par conséquent belle-sœur de Cayeu, depuis Gamaches, duquel il y aura occasion de dire un mot ; et la mère de Mme de Saint-Vallery étoit Rouault, cousine germaine