Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/112

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Il y avoit ses gens, et ses antagonistes les leurs, avec le jeune abbé Bossuet, neveu de M. de Meaux qui prit cette occasion de le former et de le faire connoître. Le cardinal de Bouillon étoit de la congrégation où cette affaire se jugeoit ; il se contint dans les commencements, et se contenta de toutes les voies sourdes par lesquelles il put servir un ami, auquel il avoit de si puissants intérêts, comme je les ai expliqués en leur temps ; mais peu à peu le pied lui glissa, et ses manèges, que MM. de Paris, de Meaux et de Chartres avoient tant de raisons de ne pas cacher au roi, lui furent clairement démontrés. Le parti fut pris de n’en pas faire semblant pour en découvrir davantage, et le mettre après, à coup sûr, hors de combat pour la défense de son ami, et en user cependant avec lui, du côté de la cour, avec toutes les apparences de la distinction et de la confiance ordinaire.

Il étoit dans cette position lorsqu’il imagina un trait qui commença et qui avança bien sa perte. L’empereur n’avoit point de serviteur plus zélé ni plus attaché entre les princes de l’empire que le duc de Saxe-Zeitz, évêque de Javarin, et travailloit à Rome depuis assez longtemps à le faire cardinal seul, et hors le temps de la promotion des couronnes. Par la même raison, le roi s’y opposoit de toutes ses forces, et en avoit fait mettre un article exprès dans les instructions du cardinal de Bouillon. Vint l’abjuration de l’électeur de Saxe entre les mains de l’évêque de Javarin pour se rendre éligible en Pologne. L’évêque passa pour l’avoir converti. L’empereur fit sonner le plus haut qu’il put à Rome le service d’avoir ramené à sa communion un électeur de l’empire, chef et protecteur né de tous les protestants d’Allemagne, et renouvela d’ardeur et d’instances à cette occasion pour la promotion de l’évêque. Cette conjoncture parut d’autant plus favorable au cardinal de Bouillon qu’il voyoit le pape fort incliné à accorder à l’empereur sa demande, et que le pape traitoit le cardinal de Bouillon avec beaucoup