Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/113

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de ménagement ; il crut donc qu’il n’y avoit pas un moment à perdre pour en profiter.

Il écrivit au roi tout ce qu’il put de plus exagéré sur les engagements du pape à l’empereur, et sur la promotion de l’évêque de Javarin comme instante, que, dans cette extrémité, tout ce qu’il avoit pu faire pour parer l’affront de voir donner un cardinal seul et motu proprio aux instances de l’empereur, malgré toutes celles du roi, avoit été de trouver moyen que la France en eût un en même temps ; qu’il avoit eu toutes les peines imaginables à y réussir, mais à condition que ce François seroit choisi par le pape, et que, pour éviter qu’il n’en prît quelqu’un qui ne fût pas agréable au roi, il avoit fait effort de tout son crédit auprès du pape pour lui en faire accepter un, le plus attaché au roi, et qui pût être en état et en âge de le servir longtemps ; que c’étoit l’abbé d’Auvergne, excepté lequel, le pape lui avoit déclaré qu’il n’en feroit aucun autre. Il joignit à cela tout ce qu’il crut capable de faire avaler au roi, comme un service aussi adroit que signalé, un mensonge qui pouvoit passer pour unique en son genre. En même temps, il dit au pape tout ce qu’il put pour lui persuader que, dans la presse et le désir où il étoit de contenter l’empereur, il croyoit avoir obtenu de la bonté et de l’amitié dont le roi vouloit bien l’honorer, le plus grand point qu’il eût pu se proposer pour tirer Sa Sainteté de la situation forcée où elle se trouvoit, qui étoit de faire condescendre le roi à la promotion de l’évêque de Javarin, en faisant en même temps un François, chose où, jusque-là, on n’avoit pu parvenir à amener le roi, mais qu’en même temps Sa Majesté n’y vouloit consentir que pour son neveu l’abbé d’Auvergne ; que c’étoit tout ce qu’il avoit pu tirer du roi, et qu’il croyoit par là avoir rendu un grand service au roi et au pape, en le mettant en état de satisfaire l’empereur sans se brouiller avec le roi, en faisant à la fois l’évêque de Javarin et l’abbé d’Auvergne.