Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/116

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revenu, et s’en alla dans son cabinet avec M. de Louvois ; dans cet intervalle Seissac fit une tenue à M. de Lorges, qu’il jugea contre toutes les règles du jeu, puis un va-tout qu’il gagna ne portant quasi rien. Le coup étoit fort gros.

Le soir M. de Lorges se crut oblige d’avertir le roi de ce qui s’étoit passé. Le roi fit arrêter sans bruit le garçon bleu qui tenoit le panier des cartes et le cartier. Les cartes se trouvèrent pipées, et le cartier, pour avoir grâce, avoua que c’étoit Seissac qui les lui avoit fait faire, et l’avoit mis de part avec lui.

Le lendemain Seissac eut ordre de se défaire de sa charge et de s’en aller chez lui. Au bout de quelques années il obtint la permission d’aller en Angleterre. Il y joua plusieurs années, et gagna extrêmement. À son retour il eut liberté de se tenir où il voudroit, hors de se présenter devant le roi. Il s’établit à Paris où il tint grand jeu chez lui. Après, Monsieur, à qui tout était bon pour le jeu, demanda permission au roi pour que Seissac pût jouer avec lui à Paris et à Saint-Cloud. Monseigneur, à la prière de Monsieur, obtint la même permission pour Meudon, et de l’un à l’autre ces deux princes se le firent accorder pour jouer à Versailles et de là à Marly, où, sur le pied de joueur, il étoit à la fin de presque tous les voyages. C’étoit un homme très-singulier, qui comptoit le mépris et les avanies pour rien, et qui avoit encore la fantaisie de ne porter le deuil de personne. Il disoit que cela l’attristoit et n’étoit bon à rien, et le soutint ainsi de ses plus proches toute sa vie. Ils le lui rendirent ; car lorsqu’il mourut, M. de Chevreuse ni pas un parent ne portèrent le deuil de lui. Son nom, maintenant éteint, étoit Castelnau, non pas des Castelnau du maréchal de France, mais il portoit celui de Clermont-Lodève, d’une héritière de cette maison anciennement éteinte, qui en avoit apporté les biens dans la sienne.

Le troisième mariage fut plus brillant et mieux assorti pour les âges. Ce fut celui du comte d’Ayen avec Mlle d’Aubigné.