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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/117

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Le roi avoit eu grande envie de la faire épouser au prince de Marsillac, petit-fils de M. de La Rochefoucauld. Lui et Mme de Maintenon ne s’aimoient point, et ne s’étoient jamais aimés. Il avoit été toujours fort bien avec Mme de Montespan, et surtout avec Mme de Thianges dont il aimoit encore les enfants. Le roi s’en apercevoit ; il ne laissoit pas de désirer que cela fût autrement entre eux. Comme ils n’avoient jamais été brouillés, et qu’ils n’avoient aucun rapport ensemble, l’embarras étoit la façon de les mettre sur un autre pied, d’autant qu’il n’y avoit rien à l’extérieur, et qu’ils en savoient trop tous deux pour s’attaquer, et n’avoir pas tous les ménagements possibles. M. de La Rochefoucauld, à qui le roi en parla, n’y consentit que par respect et complaisance. Mme de Maintenon, qui avoit ses raisons pour un autre choix, répondit au roi froidement. Tant de glaces des deux côtés rebutèrent le roi qui n’en parla plus que faiblement à Mme de Maintenon, pour lui demander à qui elle pouvoit donner la préférence sur un homme de la naissance, des biens et des charges qu’auroit le prince de Marsillac. Elle lui proposa le comte d’Ayen. À son tour le roi ne répondit pas comme Mme de Maintenon l’eût désiré. Il n’aimoit point Mme de Noailles ; elle avoit trop d’esprit pour lui, et trop entrante et trop intrigante ; c’étoit la mettre dans leur sanctuaire intime, et le roi avoit peine à s’y résoudre. Mme de Maintenon qui se vouloit entièrement attacher M. de Paris, et à l’appui de l’affaire de M. de Cambrai se frayer un chemin d’avoir part aux affaires de l’Église et aux bénéfices surtout, qu’elle n’avoit jamais pu entamer au P. de La Chaise, tourna si bien le roi qui aimoit M. de Noailles, et à le rassurer sur ce qu’elle écarteroit Mme de Noailles de leurs particuliers, que le mariage fut agréé et tout aussitôt conclu.

Mme de Maintenon assura six cent mille livres sur son bien après elle ; elle en avoit beaucoup plus, et point d’autre héritière. Le roi donna trois cent mille livres comptant,