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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/167

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où il envoya chercher ses fils, leur fit de grands reproches de s’être adressés à M. de Langres plutôt qu’à lui, et de ce pas alla demander au roi la coadjutorerie de Reims pour l’abbé Le Tellier, et l’obtint sur-le-champ.

Une si prodigieuse fortune pour un homme de l’état et de l’âge de l’abbé Le Tellier, qui n’avoit pas encore vingt-sept ans entièrement accomplis, fit un grand bruit dans le monde, et surprit jusqu’à sa famille et jusqu’à lui-même.

M. de Turenne qui n’aimoit pas M. de Louvois, ni guère mieux M. Le Tellier, en fut piqué au dernier point. C’étoit de plus un morceau unique qu’il convoitoit pour son neveu, qui déjà plein d’ambition fut enragé de se le voir ôter, et par l’abbé Le Tellier. Ils imaginèrent la coadjutorerie de Paris, et avec les avances d’amitié intime qu’ils avoient avec M. de Péréfixe, ils le lui persuadèrent si bien et sitôt, qu’il ne le désira pas moins passionnément qu’eux. Il la demanda au roi, et fut bien étonné d’y trouver de la résistance.

Il ne se rebuta point ; M. de Turenne vint au secours, qui s’y mit tout entier comme pour un coup de partie. Le roi dans l’embarras du refus à M. de Péréfixe qu’il aimoit et qu’il considéroit fort, et encore plus à M. de Turenne dans la posture où il étoit, et qui étoit pourtant résolu de ne hasarder pas de faire un second coadjuteur de Retz, en sortit par proposer à M. de Turenne sa nomination au cardinalat au lieu de la coadjutorerie, et se trouva heureux et obligé à M. de Turenne de ce qu’il voulut bien l’accepter. La promotion des couronnes étoit instante, ainsi ils n’attendirent pas, et se dépiquèrent ainsi de la coadjutorerie de l’abbé Le Tellier.

M. de Péréfixe étoit proviseur de Sorbonne, et en étoit d’autant plus le maître, qu’il s’étoit plus que prêté à toutes les volontés de la cour, contre M. Arnauld et ses amis, et qu’il avoit fait main basse sur la Sorbonne, et répandu grand nombre de lettres de cachet. D’autre part, le jeune abbé s’étoit dévoué aux jésuites, auxquels il a été toute sa