Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/176

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Là-dessus le grand prieur s’emporte, jette les cartes, et lui demande satisfaction, l’épée à la main, de cette insulte. Le prince de Conti, d’un sourire de mépris, l’avertit qu’il lui manquoit de respect, mais qu’en même temps il étoit facile à rencontrer, parce qu’il alloit partout et tout seul. L’arrivée de Monseigneur tout nu en robe de chambre, que quelqu’un alla avertir, imposa à tous deux. Il ordonna au marquis de Gesvres qui s’y trouva d’aller rendre compte au roi de ce qu’il venoit d’arriver, et chacun s’en alla se coucher. Le marquis de Gesvres, au réveil du roi, s’acquitta de sa commission, sur quoi le roi manda à Monseigneur d’envoyer, par l’exempt des gardes servant auprès de lui, le grand prieur à la Bastille. Celui-ci était déjà venu de Meudon pour parler au roi de son affaire, et fit demander audience par Lavienne. Le roi lui manda qu’il lui défendoit de se présenter devant lui, et lui ordonna de s’en aller sur-le-champ à la Bastille, où il trouveroit ordre de le recevoir. Il fallut obéir. Un moment après arriva M. le prince de Conti qui entretint le roi en particulier dans son cabinet.

Le lendemain 30 juillet, M. de Vendôme arriva d’Anet, eut audience du roi, et de là alla chez M. le prince de Conti. Ce fut un grand émoi à la cour. Les princes du sang prirent l’affaire fort haut, et les bâtards [furent] si embarrassés, que le 2 août, M. du Maine et M. le comte de Toulouse allèrent voir M, le prince de Conti. Enfin l’affaire s’accommoda à Marly, le 6 août le matin ; Monseigneur pria le roi de vouloir bien pardonner au grand prieur et le faire sortir de la Bastille, et l’assura que M. le prince de Conti lui pardonnoit aussi. Là-dessus le roi envoya chercher M. de Vendôme. Il lui dit qu’il alloit faire expédier l’ordre pour faire sortir son frère de la Bastille ; qu’il pourroit le lendemain l’amener à Marly, où d’abord il vouloit qu’il allât demander pardon à M. le prince de Conti, après à Monseigneur ; qu’il le verroit ensuite, et que de là il s’en retourneroit à Paris. Il ajouta qu’au retour à Versailles, le grand prieur pourroit