Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même, il s’adressa à Mademoiselle, qui lui promit qu’elle y feroit de son mieux. Elle tint parole, mais elle ne fut pas plus écoutée que l’avoit été Couronges. Elle en conçut un tel dépit contre le roi, qu’avec la même légèreté qui lui avoit fait embrasser cette affaire, elle s’emporta avec Couronges jusqu’à le prier de se hâter de la tirer d’une cour où on ne se soucioit que des bâtards, sans réflexion aucune que toutes vérités, quoique exactes, ne sont pas bonnes à dire. D’autre part il se trouva des gens bons et officieux qui lui dirent toutes sortes de sottises de M. de Lorraine, et lui en firent une peur épouvantable qui lui coûta plus de larmes que les regrets de son départ, mais qui, grâce à sa légèreté, se séchèrent, comme je l’ai déjà dit, dès la première journée.

Enfin, le dimanche 12 octobre, sur les six heures du soir, les fiançailles se firent dans le cabinet du roi, en présence de toute la cour, et du roi et de la reine d’Angleterre, par le cardinal de Coislin, premier aumônier, le cardinal de Bouillon, grand aumônier, étant à Rome. Mme la grande-duchesse porta la queue de Mademoiselle. M. d’Elbœuf en pourpoint et en manteau lui donnoit la main, et signa le dernier de tous le contrat de mariage. Le roi et Mme la duchesse de Bourgogne séparément avoient été voir Mademoiselle avant les fiançailles, et il y eut beaucoup de larmes répandues. Les rois et toute la cour entendirent le soir une musique, le souper ne fut qu’à l’ordinaire de tous les jours. Mademoiselle ne parut plus de tout le reste du jour après la cérémonie, et le passa à pleurer chez elle, au grand scandale des Lorrains. Le lendemain sur le midi toute la cour s’assembla chez la reine d’Angleterre, dans l’appartement de la reine mère, comme cela se faisoit tous les jours, tant qu’elle étoit à Fontainebleau tous les voyages. Les princesses n’y osaient manquer, Monseigneur et toute la famille royale pareillement, et Mme de Maintenon elle-même et tout habillée en grand habit. On y attendoit le roi qui y venoit tous les jours prendre la reine d’Angleterre pour la