Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/221

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jusqu’à la frontière, et elle fut servie par les officiers du roi. À Vitry, où elle coucha, M. de Lorraine vint, inconnu, voir souper Mme la duchesse de Lorraine ; puis alla chez Mme de Lislebonne qui le présenta à Mme son épouse. Ils furent quelque temps tous trois ensemble, puis il s’en retourna.

En arrivant à Bar ils furent remariés par des abbés déguisés en évêques, au refus du diocésain qui voulut un fauteuil chez M. de Lorraine. M. le Grand, le prince Camille, un de ses fils, le chevalier de Lorraine et M. de Marsan y étoient déjà. L’évêque d’Osnabrück, frère de M. de Lorraine, s’y trouva aussi, et mangea seul avec eux. Ce fut une autre difficulté : comme souverain par son évêché, M. de Lorraine vouloit bien lui donner un fauteuil, mais comme à son cadet, il ne lui donnoit pas la main. Comme frère, nos Lorrains lui auroient déféré bien des choses, mais cette distinction du fauteuil les blessa extrêmement. Cela fit bien de la tracasserie, et finit enfin par les mettre à l’unisson. M. d’Osnabrück se contenta d’un siège à dos, et les quatre autres en eurent de pareils, moyennant quoi, ils mangèrent avec M. et Mme de Lorraine. Ce siège à dos fut étrange devant une petite-fille de France ; les princes du sang n’en ont pas d’autres devant elle ; mais il passa, et de là vint que les ducs en prétendirent, lorsqu’ils passèrent depuis par cette petite cour, ce qui fut rare ; et que M. de Lorraine en laissa prendre et en prit devant Mme sa femme, d’autant plus volontiers, et manger sa noblesse avec elle, que cette confusion étoit l’égalité marquée avec lui, sans laquelle aucun duc n’eût pu le voir. Je dis égalité, parce qu’il étoit raisonnable que ceux de sa maison lui déférassent la main et ce qu’il vouloit, ce qui ne pouvoit pas régler les autres. Aucun duc de Guise, jusqu’au gendre de Gaston inclus, n’a jamais fait difficulté de toute égalité avec les ducs ; et en même temps n’a jamais donné la main chez lui à aucun de la maison de Lorraine. C’est un fait singulier que je tiens et de ducs et de gens de