Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/223

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toutes ses justices à lui (à plus forte raison celle de tous les Barrois) soumises au parlement de Paris, et ce fut des armes de Bar qu’il fit la fermeture de sa couronne. Ce ridicule sauta aux yeux. Ses pères ont eu l’honneur d’être gendres de rois et d’empereurs : un, de roi du Danemark ; un autre, de notre Henri II ; et le père de M. de Lorraine était gendre et beau-frère d’empereurs, et mari d’une reine douairière de Pologne.

C’étoit, de plus, un des premiers capitaines de son siècle, un des plus capables du conseil de l’empereur son beau-frère, et qui avoit le plus sa confiance, et d’autorité et de crédit à sa cour, et dans tout l’empire, duquel, ainsi que de l’empereur, il étoit feld-maréchal ou généralissime, avec une réputation bien acquise en tout genre et singulièrement grande. Jamais il ne s’étoit avisé, non plus que ses pères, ni de couronne autre que la ducale, ni de l’altesse royale. Moi et un million d’autres hommes avons vu sur les portes de Nancy les armes des ducs de Lorraine, en pierre, avec la couronne purement ducale et le manteau ducal, apparemment comme ducs de Bar, car en Allemagne, dont la Lorraine tient fort sans en être, les manteaux de duc ne sont pas usités autour des armes. Ce duc-ci le quitta aux siennes. Je ne sais ce que sont devenues ces armes sur les portes de Nancy, où je n’ai pas été depuis ce mariage. Ces entreprises furent trouvées ridicules, on s’en moqua, mais elles subsistèrent et tournèrent en droit. C’est ainsi que s’est formé et accru en France le rang des princes étrangers, par entreprises, par conjonctures, pièce à pièce, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer. Cette couronne étoit surmontée d’une couronne d’épines, d’où sortoit une croix de Jérusalem. C’étoit, pour ne rien oublier, enter le faux sur le trop foible.

Ce foible, qui étoit les bars, fut tôt ressenti par ce duc. Sa justice principale à Bar s’avisa, dans l’ivresse de ses grandeurs nouvellement imaginées, de nommer le roi dans quelques sentences le roi très-chrétien. L’avocat général d’Aguesseau