Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/237

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volontairement le hasard de ce qui pourroit arriver de ce procès.

Cossé avoit bien des difficultés à surmonter : il falloit être propriétaire du duché de Brissac par succession, non par acquisition, et pour cela avoir la renonciation de la maréchale de Villeroy et de ses enfants, qu’ils donnèrent aussitôt ; et ce qui fut le plus long et le plus difficile, s’accommoder avec un monde de créanciers du feu duc de Brissac, et à leur perte, parce que les biens ne suffisoient pas. Outre ces embarras domestiques, la chose en soi en portoit avec elle. Il n’étoit point le vrai héritier, et il ne le devenoit que par la renonciation de la maréchale de Villeroy et de ses enfants. Il étoit donc par cette raison très-équivoque que le duché ne fût pas éteint, parce que la règle des grands fiefs est que la mort saisit le vif sans intervalles, et ce vif n’étoit point lui, mais la maréchale de Villeroy et ses enfants après elle, incapable comme femelle de recueillir ni transmettre une dignité purement masculine, ce qui en opéroit l’extinction ; par conséquent la renonciation de cette femelle pouvoit très-bien n’avoir pas plus d’effet en faveur de Cossé, que la succession qu’elle abandonnoit en avoit sur elle : c’est-à-dire la tradition de la terre sans la dignité, puisqu’elle ne pouvoit pas donner ou abandonner autre chose que ce qu’en acceptant la succession elle recevroit, qui étoit la terre, non la dignité, dont son sexe la rendoit incapable et conséquemment l’éteignoit en sa personne, la succession passant nécessairement par elle, soit qu’elle l’acceptât ou qu’elle y renonçât. À ces raisons on pouvoit encore ajouter que ces successions de dignité en collatéral étoient de droit étroit, et qu’il ne pouvoit dépendre d’une volonté de particulière de faire un homme duc ou de l’empêcher de l’être, ce qui arrivoit pourtant en ce cas par l’acceptation ou par la renonciation de la maréchale de Villeroy. On ne peut nier la force de ces arguments ; mais la réponse se trouvoit écrite dans les lettres d’érection de Brissac,