Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/252

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croire sur des questions théologiques de M. de Noailles, évêque de Châlons, ou du même M. de Noailles, archevêque de Paris.

Il prétendoit que ce prélat étoit devenu contraire à lui-même, et avoit dit blanc et noir sur les mêmes questions, favorablement aux jansénistes, étant à Châlons, et défavorablement, étant à Paris. Ce fut le premier coup qui lui fut porté. Il ne douta pas qu’il ne lui vint des jésuites ; sa doctrine étoit fort différente de la leur, et jamais il n’avoit été bien avec eux. Il étoit devenu archevêque de Paris sans eux ; toutes ses liaisons de prélats et d’ecclésiastiques étoient contraires aux leurs. L’affaire de M. de Cambrai était une nouvelle matière de division entre eux, d’autant plus sensible aux jésuites qu’ils n’osaient toucher cette corde-là, qui les avoit pensé perdre.

C’en étoit plus qu’il n’en falloit pour persuader M. de Paris que ce livre si injurieux étoit sorti de leur boutique. Ils eurent beau protester d’injure en public et en particulier, et aller lui témoigner leur désaveu et leur peine qu’il prit cette opinion d’eux, ils furent froidement écoutés, et comme des gens qui ne persuadoient pas, mais qu’on vouloit bien faire semblant de croire. Le livre fut condamné et exécuté au feu, par arrêt du parlement, et les jésuites, contre qui tout se souleva, en burent toute la honte, et ne le pardonnèrent jamais à M. de Paris.

Au bout d’assez longtemps, le pur hasard lui fit trouver le véritable auteur du Problème, et avec de telles preuves, que l’auteur même demeura convaincu jusqu’à ne pouvoir le désavouer. Il n’étoit pas loin, puisqu’il logeoit dans l’archevêché. C’étoit un docteur de beaucoup d’esprit, d’une grande érudition, et qui avoit toujours vécu en très-homme de bien. Il s’appeloit Boileau, différent de l’ami de Bontems qui a souvent prêché devant le roi, et différent encore du célèbre poète et de l’auteur des Flagellants. M. de Paris, qui cherchoit à s’attacher des gens de bien les plus éclairés pour l’aider dans la grande place qu’on le força de remplir, avoit pris ce M. Boileau chez lui, le traitoit avec tous les égards et