Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/251

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l’avoit de même d’un fort grand seigneur. Elle étoit, comme lui, adorée en Bretagne, et fut pour le moins aussi sensible que lui à l’échange forcé de ce gouvernement. On a vu ailleurs qui elle étoit, et de qui veuve en premières noces et sans enfants de ses deux maris. Elle ne fit que languir et s’affliger depuis la mort de M. de Chaulnes, et ne voulut presque voir personne dans le peu qu’elle vécut depuis.

Le bonhomme Chamarande la suivit de fort près, universellement estimé, considéré et regretté. J’en ai suffisamment parlé ailleurs pour n’avoir rien à y ajouter ici ; il avoit une assez bonne abbaye, chose avec raison devenue dès lors si rare aux laïques.

Villacerf essuya un grand dégoût par le désordre qui se trouva dans les fonds des bâtiments. Un nommé Mesmin, son principal commis, en qui il se fiait de tout, abusa longtemps de sa confiance. Les plaintes des ouvriers et des fournisseurs, longtemps retenues par l’amitié et par la crainte, éclatèrent enfin ; il fallut répondre et voir clair. Villacerf, dont la probité étoit hors de tout soupçon, et qui s’en pouvoit rendre le témoignage à lui-même, parla fort haut ; mais quand ce fut à l’examen, Mesmin s’enfuit, et il se trouva force friponneries. Villacerf en conçut un si grand déplaisir, qu’il se défit des bâtiments. Le roi qui l’aimoit, mais qui jugeoit que sa tête n’étoit plus la même, lui donna douze mille livres de pension, outre qu’il en avoit déjà, et accepta sa démission ; et à peu de jours de là, donna les bâtiments à Mansart, son premier architecte, qui étoit neveu du fameux architecte Mansart, mais d’une autre famille. Il s’appeloit Hardouin, et pour s’illustrer dans son métier, où il n’étoit pas habile, il prit le nom de son oncle, et fut meilleur et plus habile et heureux courtisan que le vieux Mansart n’avoit été architecte.

Il parut un livre intitulé Problème, sans nom d’auteur, qui fit un grand vacarme : l’auteur consultoit, par toutes les plus malignes raisons pour et contre, savoir lequel on devoit