Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/260

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Arrivé à Rome, il se mit à prétendre l’altesse, ce qu’aucun de ses pères n’avoit imaginé. On a vu, à propos du cordon bleu donné à Vaïni, que le cardinal de Bouillon y eut la même prétention, et ne put jamais la faire réussir. Il traversa celle de M. de Monaco et n’y eut pas grande peine.

Personne ne voulut tâter de cette nouveauté, et lui qui n’en voulut pas démordre passa le reste de sa vie dans une grande solitude à Rome, ce qui gâta encore beaucoup les affaires dont il étoit chargé, et brouillé de plus avec le cardinal de Bouillon ; et voilà le fruit des chimères et de leurs concessions Pour venir au fond de la prétention sur les secrétaires d’État, il n’est pas douteux qu’ils écrivoient monseigneur à tous les ducs. J’ai encore, par le plus grand hasard du monde, trois lettres à mon père, lors à Blaye, de M. Colbert.

Par la matière, quoique peu importante, et mieux encore par les dates, on voit qu’il écrivit la première, n’étant encore que contrôleur général, mais en chef, après la disgrâce de M. Fouquet, et que, lorsqu’il écrivit les deux autres, il étoit contrôleur général, secrétaire d’État, ayant le département de la marine, et ministre d’État. Je ne sais comment elles se sont conservées, mais toutes trois et dedans et dessus traitent mon père de monseigneur. M. de Louvois est celui qui changea ce style, et qui persuada au roi qu’il y était intéressé, parce que ses secrétaires d’État parloient en son nom et donnoient ses ordres. Il parloit sans contradicteur à un roi jaloux de son autorité, qui n’aimoit de grandeur que la sienne, et qui ne se donnoit pas le temps, ni moins encore la peine de la réflexion sur ce sophisme. M. de Louvois était craint, chacun avoit besoin de lui, les ducs n’ont jamais eu coutume de se soutenir. Il écrivit monsieur à un, puis à un autre, après à un troisième ; on le souffrit ; après, cela fit exemple, et le monseigneur fut perdu. M. Colbert ensuite l’imita. Il n’y avoit pas plus de raison de s’offenser de l’un que de l’autre. On avoit aussi souvent besoin