Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/263

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Villars sa tante ; ce fut la retraite qu’elle choisit, et d’où elle ne sortit pas une seule fois. Elle avoit beaucoup d’amis à la cour, qui firent si bien valoir sa conduite, qu’elle fut rappelée, accueillie comme en triomphe, et incontinent après logée au château, et de tout mieux qu’auparavant, mais de sa part avec plus de précaution et de sagesse.

Le comte d’Auvergne, qui n’étoit ni d’âge ni de figure à être amoureux, l’avoit été toute sa vie et l’étoit éperdument de Mlle de Wassenaer, lorsque sa femme mourut. Il vint aussitôt après demander permission au roi de l’épouser et de l’amener en France. La grâce étoit singulière, pour ne rien dire de la bienséance si fort blessée dans cette précipitation. Mlle de Wassenaer étoit Hollandaise, d’une maison ancienne, chose rare en ce pays-là, et fort distinguée parmi le peu de noblesse qui y est demeurée, par conséquent calviniste. Il étoit donc contre tous les édits et déclarations du roi, depuis la révocation de l’édit de Nantes et l’expulsion des huguenots, d’en épouser une, et contre toutes les règles que le roi s’étoit prescrites et qu’il avoit exactement tenues, d’en souffrir la demeure en France. Le roi avoit passé sa vie à être amoureux, Mme de Maintenon aussi. Le comte d’Auvergne les toucha par la similitude, et leur dévotion, par l’espérance de gagner une âme à Dieu en procurant la conversion de cette fille, ce qui ne se pouvoit que par ce mariage. Il obtint donc tout ce qu’il demanda, et s’en retourna au plus vite l’épouser et la ramener en France. Elle parut à Paris et à la cour mériter l’amour d’un plus jeune cavalier, et sa vertu, sa douceur, sa conduite charmèrent encore plus que sa figure et le public et la famille même du comte d’Auvergne, jusqu’à ses enfants, avec qui elle accommoda leurs affaires et mit la paix entre eux. On verra bientôt qu’elle ne tarda pas à se convertir, mais de la meilleure foi du monde, et après s’être donné tout le temps et tout le soin d’être bien instruite et pleinement convaincue.

Une ambassade du roi de Maroc, que Saint-Olon, envoyé