Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/27

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l’attendoit. Le vent contraire fit qu’il ne s’embarqua que le vendredi au soir, sur cinq frégates, avec cinquante personnes seulement pour sa suite. Le chevalier de Sillery, son premier écuyer, frère de Puysieux et de l’évêque de Soissons, le suivit, et avant de partir, épousa une Mlle Bigot, riche et de beaucoup d’esprit, avec qui il vivoit depuis fort longtemps.

M. le prince de Conti trouva neuf gros vaisseaux ennemis à l’embouchure de la Meuse, qui l’attendoient au passage. Un vent forcé les empêcha de l’atteindre, quoiqu’ils y fissent tous leurs efforts ; cependant le roi reçut des nouvelles de plus en plus favorables de l’abbé de Polignac de l’assemblée de la noblesse à Varsovie. Cet ambassadeur attendoit le prince de Conti avec une grande confiance ; il avoit été quarante-cinq jours sans recevoir aucune lettre d’ici. La reine de Pologne, retirée à Dantzig et logée chez le maître de la poste, les interceptoit toutes, et à la fin, pour se moquer de l’abbé de Polignac, lui en envoya toutes les enveloppes. Le prince de Conti passa le Sund sans obstacle, le roi de Danemark ayant voulu demeurer neutre. Il était avec la reine le 15 aux fenêtres du château de Cronenbourg à le voir passer : Bart, qui savoit que ce château ne rend point le salut, hésita s’il le feroit, et le donna pourtant de tout son canon ; le château répondit de tout le sien, à cause du prince, qui fit redoubler un second salut, sur ce qu’il apprit de quelques bâtiments légers qui s’étoient approchés de ses frégates, que le roi et la reine de Danemark le regardoient passer. Le 17, il se trouva à la rade de Copenhague, où le comte de Guldenlew qui avoit été en France, et plusieurs seigneurs le vinrent saluer, que Bonrepos, ambassadeur de France en Danemark, lui présenta.

Pendant ce voyage, l’électeur de Saxe ne perdit pas son temps. Le primat lui avoit écrit pour le supplier de ne point troubler leur liberté, et de vouloir bien se retirer de Pologne, puisque le prince de Conti étoit élu et proclamé suivant les lois. L’assemblée de la noblesse de Varsovie avoit établi