Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/28

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une garde auprès du corps du feu roi pour empêcher qu’on ne l’enlevât et qu’on ne le portât à Cracovie, où il est d’usage que la pompe funèbre et le couronnement du successeur se fassent dans la même cérémonie. L’électeur jugea que tout dépendoit de la force et de la promptitude : il reçut dans un château royal près de Cracovie l’hommage des principaux de son parti, qui lui firent jurer les pacta conventa qu’ils avoient dressés, lui firent livrer le château de Cracovie, et l’y menèrent loger. Dans ce château sont gardés la couronne et tous les ornements royaux dont il s’empara, après avoir fait enfoncer les portes du lieu où ils étoient. Ensuite, on dressa un catafalque dans l’église de Cracovie, comme si le corps du feu roi y eût été présent ; on y fit les mêmes obsèques, et en même temps, l’évêque de Cujavie, assisté de quelques autres, couronna l’électeur de Saxe, en présence des principaux, et d’une multitude de son parti. Le primat, contre les droits duquel l’évêque de Cujavie attentoit en tant de façons, aussi bien que contre toutes les lois du royaume, publia un long manifeste contre lui et contre tous les partisans de Saxe, et en même temps des universaux (circulaires) pour convoquer les petites diètes préparatoires à la diète générale qui devoit décider sur la double élection.

Incontinent après, c’est-à-dire le 25 septembre, le prince de Conti arriva à la rade de Dantzig, où l’abbé de Châteauneuf qui l’attendoit alla le saluer. La ville s’étoit déclarée saxonne, et ne fit faire aucun compliment au prince de Conti. Peu de Polonois, et encore moins de marque, l’allèrent saluer à bord. Il y demeura à attendre l’ambassade dont on le flattoit, à la tête de laquelle le prince Lubomirski devoit être, et les troupes que le prince Sapiéha lui devoit mener. Cependant ceux de Dantzig refusèrent des vivres à nos frégates, et n’en voulurent laisser aucune dans leur port. À la fin, l’ambassade de la république vint saluer le prince de Conti sur sa frégate, l’évêque de Plosko à la tête, Lubomirski étoit avec la partie de l’armée de la couronne