Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/279

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fut le traitement d’ambassadeurs de tête couronnée aux siens qui ne l’avoient dans aucune cour. M. de Savoie fut outré de cette égalité avec lui ; je ne sais si ce fut pour le mortifier, ou pour l’argent de Florence. La naissance d’un prince de Piémont l’en consola bientôt après : dans le moment, un lieutenant des gardes partit pour en porter la nouvelle à Monsieur. Dès qu’il fut arrivé, l’ambassadeur de Savoie le vint dire au roi, et entra dans son cabinet, où il étoit enfermé en attendant le marquis de Rover, que M. de Savoie [avait] envoyé exprès au roi qui reçut très-bien l’ambassadeur, et l’envoya à Saint-Cyr trouver Mme la duchesse de Bourgogne qui y était. Elle fut si sensible à cette nouvelle, qu’elle en pleura de joie.

Le roi, qui venoit de payer les dettes de Mme la Duchesse qui étoient fortes du jeu, et aux marchands, paya aussi celles de Monseigneur, qui alloient à cinquante mille livres, se chargea de payer ses bâtiments de Meudon, et au lieu de quinze cents pistoles qu’il avoit par mois, le mit à cinquante mille écus.

Pontchartrain, en habile homme, fit sa cour de cette affaire-là à ce prince à qui il en porta la nouvelle, sans qu’il eût rien demandé ni parlé au contrôleur général, lequel s’acquit par là Monseigneur pour toujours. Il avoit toujours eu grand soin d’aller au-devant de tout ce qui pouvoit lui plaire, et il combla par ce présent un fils accoutumé à trembler devant son père, et que le père n’avoit pas envie d’en désaccoutumer. M. de La Rochefoucauld, toujours nécessiteux et piteux, au milieu des richesses et en proie à ses valets, obtint, sa vie durant seulement, quarante-deux mille livres de rente d’augmentation d’appointements sur sa charge de grand veneur, quoiqu’on ait vu, il n’y a pas longtemps, ici, que le roi lui avoit payé ses dettes. Il donna aussi, mais avec un grand secret, et qui a toujours duré, vingt mille livres de pension à M. de Chartres. Ses voyages et ses ouvrages lui dépensoient beaucoup ; il craignit de n’y pouvoir suffire et de laisser des dettes qui