Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/280

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ne se pourroient payer ; il demanda une abbaye. Il tenoit par la confiance du mariage du roi, dont le roi avoit trouvé bon que Mme de Maintenon lui fit la confidence, et il étoit sur le pied de leur en parler et de leur en écrire à l’un et à l’autre. Le roi ne voulut point lui donner d’abbaye ; il en avoit déjà une, il trouva que cela feroit un contraste désagréable avec M. de Cambrai qui avoit rendu la sienne lorsqu’il fut archevêque ; et pour éviter le qu’en-dira-t-on, au lieu d’abbaye, il lui fit cette pension, qui lui étoit payée par mois.

M. de Vendôme songea aussi enfin à ses affaires et à sa santé. Il était extrêmement riche et n’avoit jamais un écu pour quoi qu’il voulût faire. Le grand prieur son frère s’étoit emparé de sa confiance avec un abbé de Chaulieu, homme de fort peu, mais de beaucoup d’esprit, de quelques lettres, et de force audace, qui l’avoit introduit dans le monde sous l’ombre de MM. de Vendôme, des parties desquels il s’ennoblissoit. On avoit souvent et inutilement parlé à M. de Vendôme sur le misérable état où sa confiance le réduisoit. Le roi lui en avoit dit son avis, et l’avoit pressé de penser à sa santé que ses débauches avoient mise en fort mauvais état. À la fin il en profita, il pria Chemerault qui lui étoit fort attaché de dire au grand prieur de sa part qu’il le prioit de ne se plus mêler de ses affaires, et à l’abbé de Chaulieu de cesser d’en prendre soin. Ce fut un compliment amer au grand prieur qui faisoit siens les revenus de son frère, et en donnoit quelque chose à l’abbé de Chaulieu. Jamais il ne le pardonna sincèrement à son frère, et ce fut l’époque, quoique sourde, de la cessation de leur identité, car leur union se pouvoit appeler telle. L’abbé de Chaulieu eut une pension de six mille livres de M. de Vendôme, et eut la misère de la recevoir. Crosat, un des plus riches hommes de Paris, à toutes sortes de métiers, se mit à la tête des affaires de M. de Vendôme, après quoi il prit publiquement congé du roi, de Monseigneur, des princesses et de tout le monde, pour