Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/328

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d’embler rien sur un homme si instruit et si sage, et qui se contentoit de son ministère sans leur donner jamais prise par vouloir empiéter sur le leur, ils furent longtemps à chercher comment pouvoir entamer un homme si difficile à prendre, et si insupportable à leur ambition vis-à-vis d’eux. Ce désir de s’en délivrer, pour mettre en sa place quelqu’un qui ne pût pas si bien se défendre, réunit pour un temps ces deux ennemis.

Ils se concertèrent ; le jansénisme fut leur ressource. C’étoit en effet le miracle du mérite de Pomponne que, fils, frère, neveu, cousin germain et parent le plus proche, ou lié des nœuds les plus intimes avec tout ce qu’on avoit rendu le plus odieux au roi et en gros et personnellement, il pût conserver ce ministre dans un poste de la première confiance. Les deux autres allant toujours l’un après l’autre à la sape, et s’aidant d’ailleurs de tout ce qui pouvoit concourir à leur dessein, s’aperçurent de leurs progrès sur l’esprit du roi. Ils le poussèrent et vinrent enfin à bout de se faire faire un sacrifice sous le prétexte de la religion. Ce ne fut pourtant pas sans une extrême répugnance. Le roi, si parfaitement content de la gestion de Pomponne, ne voyoit en lui que mesure et sagesse sur tout ce qui regardoit le jansénisme. Il avoit peine à se défier de lui, même sur ce point, et le danger et le scandale de se servir du neveu de M. Arnauld dans ses affaires les plus secrètes et les plus importantes ne lui paraissoit point en comparaison du danger et de la peine de s’en priver. À force d’attaques continuelles il céda à la fin, et, comme la dernière goutte d’eau est celle qui fait répandre le vase, un rien perdit M. de Pomponne après tant d’assidues préparations. Ce fut en 1679.

On traitoit le mariage de Mme la Dauphine, et on attendoit le courrier qui devoit en apporter la conclusion. Dans ces moments critiques Pomponne supputa, et crut qu’il auroit le temps d’aller passer quelques jours à Pomponne. Mme de Soubise étoit bien au fait de tout ; c’étoit le temps florissant de sa beauté et de sa faveur. Elle étoit amie de Pomponne,