Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/342

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Mais cela même étoit ce qui incommodoit les cadets de sa maison établis en France, qui, tirant leurs prétentions de leur naissance, avoient grand intérêt de relever leur aîné, et grande facilité par Monsieur, entièrement abandonné au chevalier de Lorraine, jusqu’au point où je l’ai remarqué au mariage de Mme de Lorraine. Des gens qui avoient osé vouloir élever leur aîné jusqu’en compétence de M. le duc de Chartres n’étoient pas pour s’accommoder de celle des princes du sang, et ceux-ci encore moins pour la souffrir. Jamais aucun duc de Lorraine ne leur avoit disputé, pas même le père de celui-ci, beau-frère de l’empereur et à la tête de son armée, aux deux princes de Conti, volontaires dans la même armée, auquel l’électeur de Bavière qui y servoit ne disputoit pas. Le second de ces princes étoit vivant et existant à la cour, et cet électeur étoit frère de Mme la Dauphine alors vivante, et gendre de l’empereur. On n’avoit pas oublié encore comment le fameux Charles-Emmanuel, duc de Savoie, gendre de Philippe II, roi d’Espagne, et qui fit tant de figure en Europe, avoit vécu avec les princes du sang, ni le célèbre mot d’Henri IV là-dessus. Charles-Emmanuel l’étoit venu trouver à Lyon pour arrêter ses armes, après avoir séjourné longtemps à sa cour à Paris, dans l’espérance de le tromper sur la restitution du marquisat de Saluces. Il se trouva qu’un matin, venant au lever d’Henri IV, le prince de Condé et lui qui venoient par différents côtés, se rencontrèrent en même temps à la porte de la chambre où le roi s’habilloit.

Ils s’arrêtèrent l’un pour l’autre : Henri IV, qui les vit, éleva la voix et dit au prince de Condé : « Passez, passez, mon neveu, M. de Savoie sait trop ce qu’il vous doit. » Le prince de Condé passa, et M. de Savoie tout de suite et sans difficulté après lui.

Ces considérations firent proposer un biais qui combloit les vues et les prétentions des Lorrains contre les princes du sang, et ce biais fut l’incognito parfoit de M. de Lorraine, qui aplanissoit et voiloit tout en même temps. Mais cet incognito