Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/351

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ainsi en 1661 à l’hommage du duc de Lorraine, Charles IV, grand-oncle de celui-ci, et il se trouve même que le connétable de Richemont de la race royale, et qui mourut duc de Bretagne, prit l’épée, les gants et le chapeau du duc de Bretagne, son neveu, s’étant trouvé présent à son hommage. Cela ne peut s’entendre autrement, et fut en effet entendu de la sorte sans nuage ni détour. Néanmoins, à l’adresse avec laquelle la maison de Lorraine a su tirer des avantages de tout, et des choses les plus fortuites et les plus indifférentes en faire des distinctions, des prétentions, des prérogatives, je voulus éviter jusqu’aux riens les plus décidés, pour ne leur laisser aucune prise et profiter de la conjoncture du monde la plus naturelle.

Le duc de Gesvres, qui étoit en année, ne servoit plus les soirs quand le marquis de Gesvres son fils et son survivancier l’en pouvoit soulager. Il se portoit bien, il étoit à Versailles, il étoit donc tout simple de lui laisser la fonction. Le duc de Gesvres avoit fait toute sa vie profession d’être ami particulier de mon père, et le venoit voir fort souvent jusqu’à sa mort. Depuis il m’accabla d’amitiés ; et toutes ses années me procuroit toutes les sortes d’entrées dont le premier gentilhomme de la chambre peut favoriser. Il me venoit voir, à quatre-vingts ans qu’il avoit, avec une politesse et les manières les plus propres à donner de la confiance. J’y avois toujours répondu avec tous les soins, les égards et le respect dû à son âge et à ses avances, et, au peu d’accès qu’il donnoit auprès de lui, la tendresse qu’il me témoigna toujours étoit tout à fait singulière.

Je crus donc pouvoir en user avec lui en confiance, et lui faire remarquer l’avantage que les Bouillon pourroient vouloir prendre de l’absence affectée de M. de Bouillon, et qu’un duc et pair eût fait la fonction. J’ajoutai, qu’aucun duc sans fonction absolument nécessaire, comme le premier gentilhomme de la chambre et le capitaine des gardes en quartier, qui étoit mon beau-père, ni pas un prince étranger