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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/434

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que de s’en retourner. Un Italien, au contraire, qui a contribué à une exaltation, et qui n’a d’autre demeure que Rome, profite pour la couronne qu’il sert de la bienveillance qu’il s’est acquise du pape et de sa famille, et susceptible qu’il est pour la sienne de toutes les petites grâces de la prélature de Rome, et lié et instruit comme il l’est à fond dans cette cour, ses vues sont bien plus justes et plus animées, et mieux secondées de son adresse et de ses amis, pour procurer un pape, qui convienne, et dont l’amitié, influant sur les siens, devienne aussi utile à la couronne. Il se contente de quelques bonnes abbayes ; il ne lui faut pas quarante ou cinquante mille livres de rente, comme à nos cardinaux qui se croient pauvres et maltraités à moins de trois cent mille livres de rente ; et comme tout est de proportion, et que les cardinaux italiens ne sont pas riches, jusqu’à s’accommoder de deux cents écus de pension, il est en biens fort audessus de tous les autres pour peu qu’il ait quelques abbayes considérables, et a plus de crédit et de moyen que les nôtres, à les prendre régulières à la décharge de notre clergé, et comme il n’a point de voyages à faire, il n’y en a point à lui payer, comme à nos cardinaux. Il n’a rien en France à demander pour les siens, et sa fortune de ce côté-là se borne à lui-même. Il est plus souple avec notre ambassadeur, parce qu’il est sans appui à la cour que son service, et leur concert n’est point sujet aux jalousies, parce que, bien loin d’espérer l’emporter sur lui comme nos cardinaux, c’est de son union avec lui que dépendent ses succès dans les affaires, et de son témoignage la satisfaction et la considération qu’il se propose de mériter. Par là notre clergé devient indépendant de la cour de Rome ; il n’a plus de tentations de nourrir ses espérances par sa mollesse et le sacrifice des droits de l’épiscopat, de ceux du roi et de la couronne et des libertés de notre Église. Pour un chapeau qu’un de nos prélats attrape par ses souplesses et sa dépendance de Rome, un grand nombre d’autres