Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/49

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Pelletier, il se souvenoit toujours des embarras qu’il avoit essuyés des divisions de MM. de Louvois et Colbert, il en étoit à l’abri entre Louvois et Pelletier, et à la veille d’une grande guerre ce lui étoit un grand soulagement. N’ayant pu venir à bout de vaincre le contrôleur général après plusieurs mois de dispute, cette même convenance engagea le roi à lui proposer Pelletier de Sousy, son frère et intendant des finances, pour contrôleur général. Celui-ci avoit bien plus de lumières et de monde, mais son frère ne crut pas le devoir exposer aux tentations d’une place qu’il ne tient qu’à celui qui la remplit de rendre aussi lucrative qu’il veut, et il supplia le roi de n’y point penser. Le roi, plus plein d’estime encore par cette action pour Pelletier, mais plus embarrassé du choix, voulut qu’il le fît lui-même, et il proposa Pontchartrain dont j’aurai lieu de parler ailleurs, et qui fut contrôleur général. Pelletier demeura simple ministre d’État ; et comme, hors de se trouver au conseil, il n’avoit aucune fonction, il demeura peu compté par le courtisan, qui l’appela le ministre Claude. Ils se souvenoient encore de celui de Charenton, et en effet Pelletier s’appeloit Claude.

Il eut l’administration des postes à la mort de M. de Louvois, et le roi le traita toujours avec tant de confiance et d’amitié qu’à une maladie que le chancelier Boucherat avoit eue l’année précédente, il s’étoit laissé assez entendre à Pelletier pour que celui-ci pût compter d’être son successeur. Pelletier était droit et vraiment homme de bien. Il fit ses réflexions. Il avoit toujours eu dessein de mettre un intervalle entre la vie et la mort, et il comprit qu’un chancelier ne pouvoit plus se retirer. Boucherat, plus qu’octogénaire, tomboit de jour en jour, cela fit peur à Pelletier ; il voulut prévenir la vacance. L’affaire de la paix le retenoit. Il ne trouvoit pas séant de la laisser imparfaite, mais dès qu’il la vit assurée à peu près il demanda son congé. Ce fut un débat entre le roi et lui qui dura plus de deux mois ; il ne