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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/83

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à le savoir. Sur-le-champ, il envoya chercher Sainctot, et lui dit qu’il ne savoit qui le tenoit de ne le pas chasser et lui ôter sa charge ; et de là lui lava la tête d’une manière plus fâcheuse qu’il ne lui étoit ordinaire quand il réprimandoit. De ceci, les ambassadeurs ne s’en émurent point : leur caractère qui se communique à leurs femmes, parce que mari et femme ne sont qu’un, ne va pas jusqu’à leurs enfants, et ils ne prétendirent rien là-dessus. Ce Sainctot étoit un homme qui faisoit ce qu’il vouloit, et favorisoit qui il lui plaisoit, au hasard d’être grondé si le cas y échéoit ; ce qui n’arrivoit guère par l’ignorance et le peu de cas qu’il s’introduisit de faire des cérémonies.

Cela me fait souvenir d’une friponnerie insigne qu’il fit étant maître des cérémonies, charge qu’il vendit pour acheter celle d’introducteur des ambassadeurs, et que je découvris par le plus grand hasard du monde. Je ne ferai point ici une digression de la célèbre affaire des Corses à Rome et du duc de Créqui, ambassadeur de France, et du traité de Pise qui la termina en 1664, qui sont choses connues de tout le monde. Par ce traité, entre autres articles, il fut réglé que la satisfaction convenue et mise par écrit seroit faite au roi, et lue par le cardinal Chigi, neveu du pape et envoyé exprès légat a latere, en présence des grands du royaume. L’audience s’allant donner dans peu de jours, le roi envoya le grand maître des cérémonies avertir de sa part tous les ducs de s’y trouver. Les ducs demandèrent d’y être couverts. La reine mère, qui de tout temps favorisoit les princes étrangers, par amitié pour la comtesse d’Harcourt et la duchesse d’Épernon sa sœur qui en avoient le rang, et qui de tout temps avoient été ses favorites, crut faire beaucoup pour eux que faire décider que personne en cette audience ne seroit couvert que le légat seul. Cela ne faisoit rien à Monsieur ni aux princes du sang, qui ne s’y trouvèrent pas, parce que le légat eut un fauteuil, dans lequel il fit sa lecture et son compliment, et que Monsieur même