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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/122

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prince de Darmstadt, qui sortit d’Espagne sans revenir à Madrid. Le duc d’Escalona, qu’on appeloit plus ordinairement le marquis de Villena, alla relever en Sicile le duc de Veragua ; il le fut bientôt lui-même par le cardinal del Giudice qui vint exercer la vice-royauté par intérim, de Rome où il étoit ; et Villena s’en alla vice-roi à Naples, d’où le duc de Medina-Celi revint à Madrid, où il fut fait président du conseil des Indes, qu’il désiroit extrêmement et qui est une place fort lucrative. Il l’étoit du conseil des ordres qui fut donné au duc d’Uzeda, quoique absent, et qui remplissoit l’ambassade de Rome depuis que Medina-Celi l’avoit quittée pour aller à Naples.

Le plus grand changement fut la disgrâce du connétable de Castille. Hors les présidences des conseils et la plupart des places dans les conseils, rien n’est à vie en Espagne, et à la mort du roi, toutes les charges se perdent, et le successeur confirme ou changé, comme il lui plaît, ceux qui les ont. Le connétable étoit grand écuyer et gentilhomme de la chambre en exercice.

L’exercice lui fut ôté et sa charge de grand écuyer, que le duc, de Medina- Sidonia préféra à la sienne de majordome-major, je ne sais par quelle fantaisie, sinon que, ayant désormais affaire à un jeune roi, il la trouva plus brillante et crut qu’il seroit souvent dehors, en voyage, à la chasse, à la guerre, où le grand écuyer a plus beau jeu que le majordome-major. Le marquis de Villafranca le fut en sa place ; et par ce qu’il avoit fait sur le testament, et par son vote fameux il avoit bien mérité cette grande récompense. La duchesse d’Ossone, dont j’aurai lieu de parler, disoit de lui et de don Martin de Tolède, depuis duc d’Albe et mort ambassadeur en France, qu’ils étoient tous deux Espagnols en chausses et en pourpoint, l’un en vieux, l’autre en jeune. Villafranca ainsi que Villena avoient beaucoup du caractère du duc de Montausier, mais ce dernier n’étoit point espagnol pour l’habit, de sa vie il n’avoit porté golille ni l’habit espagnol. Il le disoit insupportable, et