Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/123

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partout fut toute sa vie vêtu à la française. Cela s’appeloit en Espagne à la flamande ou à la guerrière, et presque personne ne s’habilloit ainsi. Le comte de Benavente fut conservé sommelier du corps. Il se prit d’une telle affection pour le roi, qu’il pleuroit souvent de tendresse en le regardant.

Puisque j’y suis[1], je ne veux pas oublier une singularité de ces deux seigneurs et de quelques autres d’Espagne : le duché de Bragance en Portugal relève du comte de Benavente, duquel les armes sont sur la porte du château de Bragance à la droite de celles du roi de Portugal : toutes deux saluées une fois l’an en cérémonie ; le premier salut est aux armes du comte et le second à celles du roi.

Le duc de Medina-Celi, qui lors étoit sept fois grand d’Espagne, et dont les grandesses se sont depuis plus que doublées, mais qui n’en a pas plus de rang ni de préférence parmi les autres grands que s’il n’en avoit qu’une, ne signe jamais que El Duque Duque, pour faire entendre sa grandeur par ce redoublement de titre sans ajouter de nom. Le marquis de Villena, qui est aussi duc d’Escalona, signe El Marqués, sans y rien ajouter ; mais le marquis d’Astorga, qui est Guzman et grand d’Espagne aussi, signe de même, de manière qu’il faut connoître leur écriture pour savoir lequel c’est. Il est pourtant vrai que le droit passe en Espagne pour être du côté de Villena, et qu’il est comme le premier marquis d’Espagne. Le duc de Veragua signe tout court El Almirante Duque, à cause de son titre héréditaire d’amiral des Indes, donné aux Colomb[2].

Il faut maintenant achever les conseillers d’État. Je n’ai

  1. Nouveau passage omis dans les précédentes éditions jusqu’à Comme il n’y connoissoit personne (p. 127). C’est le complément indispensable de ce que Saint-Simon a déjà dit du conseil d’État d’Espagne à l’époque de l’avénement de Philippe V.
  2. On a vu plus haut, p. 91, que le duc de Veragua descendait par les femmes de Christophe Colomb.