Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/148

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de Monsieur. Monsieur, et M. le duc de Chartres, qui comprirent que servant toujours, il n’étoit plus possible à son âge de lui refuser le commandement d’une armée l’année suivante, s’ils ne le pouvoient obtenir celle-ci, aimèrent mieux sauter le bâton du service subalterne encore cette campagne. Le roi, qui pour cette même raison ne vouloit pas que son neveu servît, fut surpris de trouver Monsieur dans la même volonté que M. son fils, et, si cela s’ose dire, fut pris pour dupe ; mais il ne la fut pas, et montra la corde par le refus chagrin qu’il fit tout net pour qu’on ne lui en parlât plus. Il s’y trompa encore. M. de Chartres fit des escapades peu mesurées, mais de son âge, qui fâchèrent le roi et l’embarrassèrent encore davantage. Il ne savoit que faire à son neveu qu’il avoit forcé à être son gendre, et [à] qui, excepté les conditions écrites, [il] n’avoit rien tenu, tant de ce qu’il avoit laissé espérer que de ce qu’il avoit promis. Ce refus de servir qui éloignoit sans fin, pour ne pas dire qui anéantissoit, toute espérance de commandement d’armée, rouvrit la plaie du gouvernement de Bretagne, et donnoit beau jeu à. Madame d’insulter à la faiblesse que Monsieur avoit eue, qui n’en étoit pas aux premiers repentirs. Il laissoit donc faire son fils en jeune homme, qui, avec d’autres jeunes têtes, se proposoit de faire un trou à la lune, tantôt pour l’Espagne et tantôt pour l’Angleterre ; et Monsieur, qui le connoissoit bien et qui n’étoit pas en peine qu’il exécutât ces folies, ne disoit mot, bien aise que le roi en prit de l’inquiétude, comme à la fin il arriva.

Le roi en parla à Monsieur, et, sur ce qu’il le vit froid, lui reprocha sa faiblesse de ne savoir pas prendre autorité sur son fils. Monsieur alors se fâcha, et bien autant de résolution prise que de colère, il demanda au roi à son tour ce qu’il vouloit faire de son fils à son âge ; qu’il s’ennuyoit de battre les galeries de Versailles et le pavé de la cour, d’être marié comme il l’étoit, et de demeurer tout