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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/159

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L’abbé de Polignac qui, depuis son arrivée de Pologne, étoit demeuré exilé en son abbaye de Bonport, près le Pont-de-l’Arche, eut permission de revenir à Paris et à la cour. Torcy son ami, et bien des gens qui s’intéressoient en lui avoient travaillé en sa faveur.

Le duc de Popoli, frère du cardinal Canteloni archevêque de Naples, y retournant d’Espagne, fut présenté au roi par l’ambassadeur d’Espagne. C’est une maison ancienne et illustre qui est puissante à Naples, et le cardinal Canteloni avoit très bien fait pour le roi d’Espagne. Le roi traita donc fort bien le duc de Popoli, et si bien, que ce seigneur, qui désiroit fort l’ordre et qui avoit pris ses précautions sur cela avant de quitter Madrid, se crut en état de le pouvoir demander. Le roi le lui promit, et lui dit qu’il lui en coûteroit un voyage, parce qu’il seroit bien aise de le revoir ; et qu’il vouloit le recevoir lui-même.

Nous lui verrons faire une grande fortune en Espagne, et il donnera lieu d’en parler plus d’une fois. Il fut très peu ici et s’en alla à Naples.

La Touane et Saurion, trésoriers de l’extraordinaire des guerres, culbutèrent et firent banqueroute. Ils en avertirent Chamillart, qui par l’examen de leurs affaires, la trouva de quatre millions. On les mit à la Bastille ; le roi prit ce qu’il leur restoit, et se chargea de payer les dettes pour conserver son crédit à l’entrée d’une grosse guerre, pour laquelle cette faillite ne fut pas de bon augure. On en fut fort surpris par le soin avec lequel ils avoient soutenu et caché leur désordre jusqu’à rien plus sous la sérénité et le luxe des financiers.