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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/205

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cinq régiments de cavalerie et de dragons.

Le prince Eugène y amena de l’infanterie, du canon et le triple de cavalerie, sans qu’on en eût le moindre avis, et tomba brusquement sur ce quartier.

Tessé, qui n’en étoit pas éloigné, avec quelques dragons, accourut au bruit.

Le prince Eugène, qui comptoit enlever cela d’emblée, y trouva une résistance sur laquelle il ne comptoit pas, et qui fut belle et longue ; mais il fallut enfin céder au nombre et se retirer. Ce fut en si bon ordre que la retraite ne fut pas inquiétée. On y perdit beaucoup de monde, et de gens de marque : le dernier fils du duc de Chevreuse, colonel de dragons, et du Cambout, brigadier de dragons, parent du duc de Coislin, bon officier et fort galant homme. Tel fut notre début en Italie, dont toute la faute fut imputée à Catinat, en quoi Vaudemont, en pinçant seulement la matière, et Tessé, à pleine écritoire, ne s’épargnèrent pas[1].

Le roi, piqué de ces désavantageuses prémices, et continuellement prévenu contre un général modeste et sans défenseurs, manda au maréchal de Villeroy, qui étoit sur la Moselle, de partir sans dire mot, aussitôt son courrier reçu, et de venir recevoir ses ordres, tellement qu’il arriva à Marly, où tout le monde se frotta les yeux en le voyant et ne se pouvoit persuader que ce fût lui. Il fut quelque temps chez Mme de Maintenon avec le roi, Chamillart y vint ensuite, et comme le roi sortit suivi du maréchal de Villeroy pour se mettre à table, on sut qu’il alloit commander l’armée d’Italie. Jamais on ne l’eût pris pour le réparateur des fautes de Catinat. La surprise fut donc complète, et, quoique ce choix fût peu approuvé, le génie courtisan se déborda en compliments et en louanges. À la fin du souper, M. de Duras, qui étoit en quartier, vint à l’ordinaire se

  1. On trouvera des extraits des lettres de Tessé à Chamillart contre Catinat, dans l’ouvrage intitulé Mémoires militaires relatifs à la succession d’Espagne, t. Ier, p. 591 et suivantes. Cet ouvrage fait partie de la collection des Documents inédits relatifs à l’histoire de France.