Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/206

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mettre derrière le roi. Un instant après un brouhaha qui se fit dans le salon annonça le maréchal de Villeroy, qui avoit été manger un morceau et revenoit voir le roi sortir de table. Il arriva donc auprès de M. de Duras avec cette pompe dans laquelle on le voyoit baigné. Le maréchal de Duras qui ne l’aimoit point et ne l’estimoit guère, et qui ne se contraignoit pas même pour le roi, écoute un instant le bourdon des applaudissements, puis se tournant brusquement au maréchal de Villeroy et lui prenant le bras : « Monsieur le maréchal, lui dit-il tout haut, tout le monde vous fait des compliments d’aller en Italie, moi j’attends à votre retour à vous faire les miens ;  » se met à rire et regarde la compagnie. Villeroy demeura confondu sans proférer un seul mot, et tout le monde sourit et baissa les yeux. Le roi ne sourcilla pas.

Le pape, fort en brassière par les troupes impériales en Italie, n’osa recevoir l’hommage annuel du royaume de Naples, que le connétable Colonne se préparoit à lui rendre à l’accoutumée comme ambassadeur extraordinaire d’Espagne pour cette fonction ; mais, sur les plaintes qui lui en furent faites, il fit dire à Naples et par tout le royaume que, encore qu’il eût des raisons de différer à recevoir cet hommage, il reconnoissoit réellement Philippe V pour roi de Naples, qu’il enjoignoit à tous les sujets du royaume, et particulièrement aux ecclésiastiques, de lui obéir et de lui être fidèles ; et il expédia sans difficulté, sur les nominations du roi d’Espagne, les bénéfices du royaume de Naples, au grand mécontentement de l’empereur, qui eut encore la douleur d’y voir avorter une révolte dès sa première naissance, qui avoit été assez bien ménagée.