Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/211

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fut cette année qu’on doubla la galerie de Diane, ce qui donna de beaux appartements, et, au-dessus, quantité de petits.

La maréchale de Luxembourg finit sa triste et ténébreuse vie dans son château de Ligny, où M. de Luxembourg l’avoit tenue presque toute sa vie sans autre cause que d’être importuné d’elle, après en avoir tiré sa fortune, en grands biens et en dignité, comme je l’ai expliqué en son temps, et qui elle était. Elle n’avoit presque jamais demeuré à Paris, où pourtant j’eus une fois en ma vie la fortune de me rencontrer auprès d’elle à un sermon. On me dit qui elle étoit et à elle qui j’étois, et tout aussitôt elle m’entreprit sur notre procès de préséance en attendant le prédicateur. Je me défendis d’abord avec le respect et la modestie qu’on doit à une femme, puis voyant le toupet s’échauffer, je me tus et me laissai quereller, mais fortement, sans dire une parole. Il est vrai que je trouvai le temps long en attendant le prédicateur, et que je me sentis bien soulagé lorsque je le vis paroître. Mme de Luxembourg ressembloit d’air, de visage et de maintien à ces grosses vilaines harengères qui sont dans un tonneau avec leur chaufferette sous elles. Elle avoit été fort maltraitée, fort méprisée, et avoit passé sa vie dans une triste solitude à Ligny, où son mari lui donnoit peu de ses nouvelles.

Mme d’Épernon mourut aussi aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, dans une éminente sainteté. Elle étoit petite-fille et le seul reste de ce fameux duc d’Épernon, et fille du second et dernier duc d’Épernon, colonel général de l’infanterie après son père et gouverneur de Guyenne, et de sa première femme, bâtarde d’Henri IV et de la marquise de Verneuil, sœur du duc de Verneuil. Mme d’Épernon, par la mort de ce galant duc de Candale, son frère qui mourut à la fleur de son âge colonel général de l’infanterie, en survivance de son père, et général de l’armée de Catalogne, hérita de son père de la dignité de duchesse d’Épernon,